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Machiavelic Fantasy

9 novembre 2008

TROISIEME CHAPITRE

 

Vous savez, aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais été quelqu'un de bien. Si j'ai fait quelque chose d'honorable dans ma vie, ce n'était jamais sans arrières-pensées. Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous dis cela et pourquoi je ne cesse d'intervenir dans une histoire qui n'est pas la mienne. Peut-être même préféreriez-vous que je me taise et que je vous livre, sans détour, la suite. Le fait est que voyez-vous, la traduction n'est pas un exercice aisé et que j'ai besoin de prendre mon temps pour réfléchir. Aussi, j'ai toujours aimé m'immiscer dans les affaires des autres, pourquoi cesserais-je ? Si vous ne m'adorez pas déjà ce temps viendra, et alors vous trouverez trop rares mes apparitions intempestives.

Enfin, puisque raconter ma vie présente n'est pas le but de la manoeuvre, je vais tout de même vous laisser poursuivre votre lecture.Nous en étions donc restés à ce pleurnichard de Woofang qui entretemps s'était mis en quête de Seregorn avec deux soldats du temple, Alrik et Gallad - Fox ayant été assigné à une mission différente - Nathalie, qui était toute excitée de porter de beaux habits et de monter un beau cheval, ainsi qu’une invoqueuse du nom de Fiona, Shinilann s’étant désistée. Ils étaient partis de bonne heure et étaient à présent loin du palais, dans une forêt extrêmement dense mais assez accueillante.

Woofang regarda Nathalie en souriant, heureux de s’être éloigné de Dar-him.  Il leva les yeux et fut pris d'inquiétude ; cela faisait un bout de temps qu’ils ne voyaient plus le ciel, ce qui était assez déstabilisant.

« Ca commence à me faire peur… avoua le garçon. »

Fiona, qui les guidait dans cette masse d’arbres et de végétation à l’aide d’un étrange appareil à aiguilles, décida de l'ignorer. Depuis qu'ils étaient partis, l'adolescent n'avait fait que se plaindre et commençait à l'agacer. Tant mieux s'il était effrayé; peut-être la crainte le ferait-elle se tenir tranquille? Vain espoir ; mais rassurez-vous, braves gens, il ne tiendra pas le premier rôle jusqu'à la fin.Bientôt viendra l'heure de passer à autre chose mais en attendant il est important que vous cerniez bien le personnage pour n'apprécier que mieux ceux qui viendront ensuite.

« On arrive bientôt ? demanda Woofang, pour la dixième fois en une heure.

- Ca je n’en sais rien, répondit l’invoqueuse. Les elfes nous guideront à partir du point de rendez-vous que nous sommes en train de rallier. Personne ne sait où se trouve leur cité. »

Les elfes... Permettez-moi une autre parenthèse pour vous les décrire. Ici ils ne sont pas comme ceux de chez moi. Leurs cheveux ne sont pas turquoises et leurs yeux ne sont pas dorés, je dirai même que c'est plutôt l'inverse. Le peuple de Shael est en majorité un peuple de blonds, grands, aux yeux bleus. On les dit sages et bienveillants mais la vérité est plutôt qu'on préfère ne pas les offenser car le mystère qui les entoure est des plus grands. Personne encore aujourd'hui ne sait quelle pouvait bien être alors l'étendue de leurs pouvoirs.

« Et on arrive bientôt au point de rendez-vous ? voulut savoir Woofang.

- Demain matin.

- C’est une chance qu’on ne soit pas encore tombés sur des anges, commenta Alrik.

- Curieux en effet, approuva Fiona. Nous ne nous arrêterons pas cette nuit.

- Une chance ? s’étonna Woofang. Je pensais les anges gentils… »

La remarque du garçon fit ricaner l’invoqueuse.

« Tu parles, railla Alrik.

- Je ne sais pas s’ils sont gentils, expliqua Fiona, mais avec les daermoors noirs ils servent Galhedia et donc abhorrent tout ce qui se rattache de près ou de loin à Daermon.

- Et on porte ses couleurs… comprit Nathalie.

- Tout juste, affirma Gallad. »

Woofang soupira. Les couleurs de Daermon… encore heureux qu’on ne l’eût pas lui-même forcé à les porter.

« Comptez pas sur moi pour faire pareil, lâcha t-il en regardant d’un mauvais œil les vêtements de Nathalie.

- Ce genre de bête n’est pas le genre à croire à la reddition et encore moins à faire des prisonniers, soupira Alrik. Ce ne sont pas les couleurs qui feront la différence. »

Le groupe se fit moins bavard quand la nuit tomba. Malgré l’obscurité, le sentier était dégagé et les chevaux pouvaient encore avancer. Il faisait plutôt froid, ce qui donna une raison supplémentaire de se plaindre à l'adolescent ;

« On peut s’arrêter ? demanda Woofang qui ne rêvait plus que d'un bon feu pour se réchauffer.

- Pourquoi ? voulut savoir Fiona.

- Ce ne serait pas très malin, répliqua Alrik. »

Woofang et Nathalie tombaient de fatigue. Fiona leur dit d’un ton enjoué, faisant fi de la mauvaise foi du garçon :

« Courage les jeunes, il ne faut pas se faire pincer maintenant.

- Quand on parle du loup…fit Gallad.

- Et merde, jura Alrik. »

En face d’eux, ce qui semblait être quelqu’un arrivait sur la route en marchant, faiblement éclairé par la légère aura lumineuse qui émanait des deux ailes qu’il avait dans le dos. Woofang le regarda approcher, sans rien dire, tandis que Nathalie lâchait une exclamation de frayeur. L’ange qui venait vers eux ne tarda pas à être rejoint par quatre autres et ils furent bientôt cinq à se tenir devant le petit groupe.

« Mettez pied à terre, vite ! ordonna Fiona.

- Qu’est-ce que… »

Woofang, Nathalie et les deux gardes s’exécutèrent sans se faire prier. Les chevaux, effrayés, détalèrent. Les anges qui continuaient d’approcher reculèrent soudain au contact d’un dôme invisible qui entourait le groupe. Fiona, au milieu, tenait son bâton devant elle, incantant les formules de protection.

« Mon dieu… fit Nathalie.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Woofang, inquiet.

- Elle les tient en respect, répondit Gallad en désignant Fiona. »

Woofang ramena Nathalie contre lui et la serra dans ses bras pour la rasséréner.

« Pour combien de temps, se demanda Alrik…

- On va s’amuser un peu, répliqua Gallad, prenant l’arc qu’il avait dans le dos. »

Le garçon n’avait vraiment pas l’air rassuré mais Gallad s’avéra être bon archer, touchant ses cibles en usant de feintes. Il n’en eut cependant que deux avant d’être à court de flèches et l’un se releva.

« Alrik, file avec les gosses, plein ouest, on va les retenir ! ordonna Gallad. »

Alrik hocha la tête mais Woofang qui ne l’entendait pas de cette oreille décrocha le bâton qu’il avait amené avec lui et qu'il portait dans le dos.

« Je peux les battre ! s’exclama t-il, un air pouvant passer pour de la détermination sur le visage.

- Non, surtout pas, refusa Alrik. Vous devez arrivez vivants. Baissez-vous pour être totalement dans l’ombre, à mon signal on file.

- Daermon vous protège, les encouragea Fiona. »

Woofang ne protesta pas à cette bénédiction. Nathalie, effrayée, déglutit. Fiona fit exploser le dôme qui les protégeait dans un gros éclat de lumière, de feu et beaucoup de poussière, puis enchaîna avec toutes sortes de projectiles magiques tandis que Gallad les attaquait. Alrik profita de ce moment-là pour donner le signal.

« Maintenant ! »

Woofang obéit, tenant Nathalie par la main. Alrik les entraîna, d’abord accroupis puis ensuite en courant dans la forêt totalement noire. Les bruits de la bataille se faisaient lointains et étouffés au fur et à mesure qu’ils avançaient. L'angoisse finit par prendre le dessus sur la peur lorsque plus aucun bruit ne leur arriva aux oreilles. A présent plus ou moins en sécurité, Alrik s’arrêta alors.

« On va souffler cinq minutes, chuchota t-il en examinant l’objet dont s'était servie Fiona pour les guider. »

Woofang hocha la tête.

« On arrive bientôt ? ne put-il s’empêcher de demander.

- A pied… et en se cachant au moindre bruit... on devrait atteindre le point de rendez-vous demain soir, répondit Alrik.

- Je suis fatigué, je n’en peux plus, se plaignit – une fois de plus – le garçon.

- Moi non plus, renchérit Nathalie.

- On va repartir en marchant, fit le garde. Il faut  s’éloigner rapidement, n’oubliez pas que ces saloperies volent. Je doute que Gallad et Fiona aient pu tous les tuer. Il va falloir également éviter de faire du bruit.

- Mais je suis fatigué… insista Woofang.

- Mieux vaut être épuisé que mort, répliqua Alrik. Allez !

- Je peux plus bouger… »

Alrik les poussa gentiment vers l’avant. Woofang, à bout, s’effondra soudain, ce qui arracha un cri de frayeur à Nathalie.

« Chuuut, lui rappela Alrik, prenant le garçon sur ses épaules et continuant le chemin. »

La jeune fille peinait à suivre mais vivre dans la rue l’avait endurcie.

« Je peux marcher…râla Woofang, qui avait un peu honte d’être moins endurant que son amie.

- On dirait que non, pourtant, plaisanta Alrik, le reposant à terre et ralentissant l’allure. »

Woofang traînait les pieds. S’il était si fatigué c’était peut-être également parce qu’il s’était encore entraîné au bâton avant de partir.

Lorsque l’aube pointa, ils n’avaient rencontré aucun danger et la forêt redevint plus lumineuse. Cependant, l’absence totale de clairière était assez pesante. Alrik autorisa une pause près d’un petit ruisseau. Ce fut cette fois au tour de Nathalie, complètement à bout, de s’écrouler. Woofang quant à lui s’endormit d’un bloc. Un peu plus tard, une main le secoua. Il fit semblant de ne rien sentir.

« Woofang… »

Alrik insistait, mais le garçon s’obstinait. Le garde lui mouilla alors la figure avec l’eau glacée du ruisseau.

« NAN MAIS CA VA PAS LA TETE ! hurla Woofang, se redressant d’un bond. »

Alrik lui posa rapidement une main sur la bouche.

« Bon dieu, tais-toi ! Tu veux nous faire t… »

Le garde n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une pointe de flèche lui sortit de la poitrine.

« Alrik !!! »

L’ange qui s’approchait avait une étrange ressemblance avec Daranf mais il était habillé de bleu et portait un symbole en forme de lune argentée, les couleurs de Galhedia. Il tenait son arc bandé pointé vers le sol. Woofang se tourna vers Alrik, celui-ci était quasiment mort sur le coup, la flèche lui ayant traversé le cœur. Le garçon dans tous ses états se plaça en face de l’ange, furieux, tandis que Nathalie dormait toujours.

« Qui êtes-vous ?! Et pourquoi vous avez fait ça ?! vociféra t-il. »

L’ange eut un sourire qui releva à peine ses lèvres et il répondit d’un ton condescendant :

« Les enfants de Daermon sont des imposteurs qui doivent mourir. »

Nathalie choisit ce moment précis pour se réveiller. Elle hurla en apercevant la créature. Woofang, effrayé par son cri se retourna vers elle. Il entendit la corde d’un arc se détendre. Tout se passa très vite. Nathalie tomba, touchée par la flèche. Elle ne fut pas la seule. L'ange avait également chuté.

« Qu’est-ce qui…Nathalie !! »

Woofang courut vers son amie. L’ange s’était pris la flèche de l’un des hommes qui accoururent  vers les deux enfants, tous vêtus de vert. Du coin de l’œil le garçon vit que la créature avait réussi à s’envoler malgré sa blessure. Il la regarda s’éloigner avant de se relever, poussant un hurlement de rage à son intention:

« TOI JE VAIS TE TUER ! »

Le garçon se mit à courser l’ange, mais une poigne de fer l’attrapa par le col et le retint, lui arrachant un cri de frustration.

« Lâchez-moi ! »

Tout comme ses confrères, l’elfe qui le retenait était plutôt grand et musclé. Woofang était hors de lui. Deux femmes s’étaient penchées sur Nathalie. Le garçon commença à se défouler sur celui qui le tenait, ce qui lui valut d’être attrapé par deux autres hommes qui le tinrent chacun par un bras, afin qu’il se tînt tranquille. Il finit par se calmer et voulut rejoindre Nathalie, mais on l'en empêcha.

« Comment elle va ? Mais lâchez-moi ! »

Woofang tenta de se dégager. En vain. Visiblement, ses « ravisseurs » ne parlaient que le Shaal, langue que le garçon ne comprenait pas. Après avoir prodigué quelques soins à Nathalie sur place, l'une des deux elfes qui l’avaient prise en charge la mit sur ses épaules et tous reprirent la route. Woofang, inquiet, tentait toujours de se libérer, mais les deux elfes étaient intraitables. Ils marchèrent ainsi une demi journée à rythme soutenu et le garçon finit par renoncer à l’idée de leur fausser compagnie, suivant le mouvement, résigné. Ils arrivèrent enfin en un endroit typiquement shaal, conjugant magnificence et grandeur. Malgré son énervement, Woofang ne put s’empêcher d’être émerveillé. Soudain, les deux femmes qui tenaient Nathalie se séparèrent des hommes qui gardaient le garçon pour prendre un autre chemin, ce qui leur valut les protestations inutiles de l'adolescent.

« Eh nan ! Nathalie !!! »

Il tenta à nouveau de se dégager, plus violemment cette fois.

« N’ayez crainte, elle sera soignée, dit alors une voix féminine. »

Devant Woofang, une belle elfe vêtue d’une robe à la romaine venait d’arriver. Contrairement aux rôdeurs, elle parlait parfaitement la langue aldariane et sa coiffure était des plus sophistiquées.

« Qui êtes-vous? demanda Woofang en fronçant les sourcils. »

La femme lui répondit s’appeler Sheeva puis continua son chemin après lui avoir encore une fois assuré qu’ils allaient prendre soin de Nathalie.

Quelques jours avaient passé et le garçon s’était mis à arpenter de long en large la cité dans laquelle ils avaient été conduits. Il avait fini par connaître par coeur quelques endroits et le temps lui avait rarement paru aussi long ; il s'ennuyait et la forte densité de la végétation lui rappelait de bien mauvais souvenirs. Oh, bien sûr, il bénéficiait de tout le confort souhaité ; il devait en revanche se débrouiller seul pour occuper ses journées.

« Daermon soit loué ! Vous en êtes sortis ! s’écria soudain quelqu’un. »

Woofang aperçut Gallad qui arrivait vers lui. L’homme avait le bras en écharpe mais paraissait en forme.

« Bonjour, salua le garçon. Vous allez bien ?

- Ca va oui… J’ai vu ta copine, elle a l’air d’aller aussi, mais tu sais les elfes… Tant qu’elle aura un pet de travers elle devra rester au lit…

- Les elfes…soupira Woofang. »

Soudain, une voix d’enfant retentissant du fond du couloir se fit entendre :

« Sangha !! »

Un beau tigre adulte déboula en courant. Woofang poussa un cri de terreur et Gallad, faisant appel à tout son courage, se colla au mur alors que la bête les frôlait en courant. Arriva un garçon un peu plus jeune que Woofang qui  s’adressa à l'animal.

« Sangha ! Reviens ici ! C’est pas drôle ! »

L’enfant qui leur passa devant avait des cheveux mi-longs et argentés - chose plutôt inhabituelle. Le plus surprenant était toutefois ses yeux, presque similaires à ceux d'un chat. Plus loin, la bête avait fait demi-tour et s’apprêtait à lui bondir dessus alors qu’il approchait. D’autres pas se firent entendre dans le couloir mais l’attention de Gallad et de Woofang était retenue par ce gamin d’une douzaine d’années qui jouait avec un fauve de deux cents kilos. L’enfant et l'animal finirent par s’en aller après quoi Gallad prit congé. Woofang se mit alors à errer de nouveau. Il fut enfin autorisé à voir Nathalie mais celle-ci devint au fil des jours de plus en plus étrange. Il fallut que le garçon la surprît en train d’embrasser un elfe pour qu’il comprît que c’en était fini d’eux deux.

Sans même vouloir aucune explication, il prit le chemin du retour, direction Dar-him, avec sa petite escorte qui préféra ne pas lui poser de questions et qui lui fut d’un certain réconfort. Au moins, il avait rempli sa mission et pourrait assurer à Kendrakar que Seregorn, l’enfant au tigre, allait bien. Il se jura toutefois une chose; jamais plus aucune fille n'aurait sa confiance.

Dramatique n'est-ce pas ? La propension qu'ont les jeunes à prendre leur premier amour pour le seul vrai qu'ils connaîtront jamais. Enfin, c'est bien pour cela que j'ai tenu à vous conter ce chapitre ; toute cause a ses conséquences et viendra un moment où vous comprendrez lesquelles. La grande loi de l'effet papillon.

Maintenant, laissons de côté pour quelques temps ce gamin pleurnichard, éternel insatisfait, et tournons-nous vers les Grands de ce monde et ceux qui essayaient de le devenir. Les intrigues à la cour étaient légion et il serait dommage que vous manquiez cela. Je ne pense pas que vos livres d'Histoire les relatent toutes car même les plus insignifiantes trouvent ici leur intérêt. Et puis, vos livres d'Histoire ne parlent pas de moi, je suis un chapitre censuré.

Plus pour longtemps.

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9 novembre 2008

DEUXIEME CHAPITRE

Nous en étions restés à la victoire des Aldarians sur la Dame de Glace, me semble t-il.

''Le lendemain fut donnée une grande cérémonie où des prêtresses parées d’or renvoyaient les âmes à Daermon par une magnifique danse. Presque toute la ville était réunie devant le parvis du temple. William avait offert son hospitalité à Woofang, comprenant que celui-ci ne voulût pas retourner dans la maison Annavatar en l'absence de son maître ; tous deux assistaient à présent tristement au rituel. Ils ne s’étaient jamais vraiment parlés autrefois, se croisant simplement dans les couloirs de la maison lorsque le seigneur Rodarhim était en visite mais en quelques jours Woofang réussit à découvrir que cet homme était quelqu’un d’agréable, aussi peu contrariant que Kendrakar était pacifique et bien que militaire haut gradé, aussi gentil que Darion. Alors qu'ils regardaient les danses, William s'adressa au jeune garçon, souriant en reprenant la phrase du défunt daermoor :

« Je suis sûr que tout ce qu’il a fait cette semaine résonnera dans l’éternité.

- L’éternité, répliqua Woofang, ça sert à rien.

- Tu voudrais qu’on l’oublie ?

- Non !

- Se souvenir, ce n’est pas utile, mais c’est important… pour l’éternité… »

Woofang avait l’air mal à l’aise. William lui sourit. Le jeune adolescent soupira et d'humeur à se confier, il avoua à mi-voix :

« L’éternité…ça me fait peur… alors…je me dis, qu’après la vie, y a plus rien…

- Si j’étais homme de foi, je te dirais que la vie d’après est meilleure, que ton dieu t’accueille à bras ouverts dans une magnifique contrée verdoyante... Mais honnêtement, je n’en sais rien.

- Tout ça, c’est la faute à Altaïr !

- Cesse de parler ainsi; sans lui, Kendrakar serait mort et cette ville serait tombée. Viens, rentrons. »

Le militaire posa sa main sur l'épaule de l'adolescent qui protesta :

« Sans lui, je serais toujours tranquille chez moi et j'aurais pas eu d'ennuis avec Shadow… et s’il avait été plus compétent, Darion ne serait pas mort !

- Accuser les gens ne résout pas les problèmes, Woofang.

- Oui mais ça fait du bien… »

William secoua la tête, se détourna de la cérémonie et s’éloigna de la foule, invitant le garçon à le suivre puis lui suggéra:

«Tu devrais aller voir Kendrakar… il paraît que les gens perçoivent leur environnement même lorsqu'ils se trouvent dans un état d'inconscience prolongée.

- J’ose pas… murmura Woofang.

- Pourquoi ?

- Si je l’avais écouté, se confia le garçon, il n’en serait pas là… et maintenant, il est dans cet état…

- Et bien vas lui dire que tu as appris la leçon et que tu ne recommenceras pas, que tu regrettes.

- Nan… C’est ça le problème… »

Woofang inspira un bon coup, hésita, puis se lança :

« Je regrette pas…

- Et tu as raison. Il ne faut jamais regretter nos erreurs, c’est comme ça qu’on avance. »

William marchait l’air de rien dans les rues plutôt animées par la reconstruction, se dirigeant vers la maison Annavatar alors que le garçon qui le suivait se sentait de plus en plus mal à l'aise.

« En fait je me dis que… Peut-être que… peut-être qu’il aurait été mort s’il avait continué la guerre…

- Peut-être qu’il va mourir quand même… mais avec sa chimère ça m'étonnerait. Tu sais avec des si on met Karad-him en bouteille…

- Chez nous, ils ont fait ça avec un royaume, de le mettre en bouteille… ils ont oublié de refermer le bouchon, quand ils l’ont jetée à la mer… »

La légende fit rire William qui poussa ensuite la porte de la maison de Kendrakar, transporté chez lui le jour même. Il entra comme si de rien n'était, se sentant tout à fait à sa place dans la famille Annavatar.

« Je vais nous obtenir un « tour de garde » dit-il à Woofang avec un clin d’œil. »

Il y parvint sans trop de difficultés. L’Aldarian était allongé dans son lit et portait un masque étrange lui prenant le nez et la bouche ainsi qu’un curieux bandage sur l’avant-bras gauche. Woofang ne put s’empêcher de baisser les yeux en le voyant. Il s’avança, regardant ailleurs. William demanda :

« Tu préfères que je vous laisse cinq minutes ?

- Nan. Enfin oui…je sais pas… »

William, qui sentait bien que le garçon serait mieux seul avec son maître, s’éclipsa. Woofang se tourna vers Kendrakar toujours sans oser le regarder et marmonna des excuses. L'Aldarian gardait cependant les yeux fermés et restait sans bouger.

« Je…je suis désolé… commença le garçon. J’en ai fait qu’à ma tête… et à cause de moi, vous êtes dans cet état…j’ai été égoïste… et bête… J’aurais dû venir plus tôt, mais je… je me sentais trop coupable, et j’osais pas… alors, j’ai été lâche… la ville est libre, on a gagné…des renforts sont arrivés de l’ouest…ils sont en train de tout reconstruire… »

L’inconscient fronça les sourcils. Le garçon sursauta. Arrivèrent un certain nombre de personnes et l’agitation dans la pièce, tous se penchant sur l’état de santé de Kendrakar. Le garçon soupira, il savait que cela signifiait qu'il devait s'en aller et en effet, William ne tarda pas à le faire sortir.

« Je…j’ai envie de rester seul, s’excusa Woofang. »

Il était à présent hébergé chez le militaire, dans une luxueuse demeure du centre ville. Il avait fait connaissance avec toute la famille et Aria, femme de William, aînée des demoiselles Annavatar, avait vite fait de le prendre à la bonne. Il ne s'était cependant jamais vraiment mêlé à eux, préférant les livres d'images à la compagnie humaine. Un soir, alors qu'il était confortablement en train de squatter un fauteuil, son hôte vint le voir un sourire aux lèvres et lui annonça :

« Ton… « maître » est réveillé… »

Le garçon se leva d’un bond, n'osant pas en croire ses oreilles;

« Je vais aller le voir ! s’exclama t-il tout excité.

- Pas si vite, coupa le seigneur Rodarhim. Il ne reçoit personne.

- Mais j’ai déjà tellement attendu, soupira Woofang.

- Maintenant qu'il n’est plus sous assistance magique, il serait bête d’aggraver les choses avec un peu d’impatience non ? Je te dirai quand son état lui permettra de recevoir du monde, et je m’arrangerai pour te faire passer avant la cour. »

L'adolescent, partagé entre les remords et l'envie de revoir son maître, eut une moue de protestation.

« Mais... commença t-il à contester.

- Pour l’instant, il vient d’apprendre pour Darion…

- Darion… »

Woofang eut soudain le visage bien sombre; le daermoor lui manquait beaucoup. Il avait conservé son luth en y prêtant le plus grand soin, l'avait emmené avec lui chez le militaire et des fois se surprenait à essayer d'y jouer quelques notes - sans grand succès.

« Peut-être que maître Kendrakar n'a même pas envie de me voir... hésita le garçon.

- Bien sûr qu’il veut te voir, le rassura William. S’il ne t’aimait pas un tout petit peu, tu penses qu’il aurait pris ce risque pour toi ?

- Non… admit le garçon en secouant la tête.

- Alors cesse d’être si démoralisé. Tout s’arrange, « haut les bannières et haut les cœurs » disait mon père de retour de campagne.

- C’est vrai, se reprit Woofang.

- En plus je ne crois pas qu’il aimerait que tout le monde le voie ainsi diminué. »

William revêtit sa tenue noire et rouge, il avait à faire. Il se tourna vers Woofang et lui dit d’un ton enthousiaste :

« Plus qu’une petite semaine ! Je te laisse, je suis attendu au palais, ne fais pas de bêtises. »

L’homme s’en alla. Le garçon prit son indication à la lettre et se mit à compter les heures, attendant son retour et l'heure du dîner. Il alla ensuite se coucher, mettant un certain temps avant d'arriver à s'endormir et le lendemain lui parut encore plus insupportable; il n'arrivait plus à se concentrer sur les livres qu'il lisait, obnubilé par la pensée de son maître, et avait trop peur de casser une corde sur le luth du daermoor pour oser y jouer. Les domestiques lui proposèrent de les aider mais il refusa cette offre; il préférait rester sur le fauteuil du salon à regarder décliner le Soleil, perdu dans ses pensées.

Une semaine plus tard, Woofang trépignait d’impatience; il s'était levé avant tout le monde puis habillé et coiffé.

« Du calme, j’arrive, j’arrive, fit William en achevant de nouer sa cravate prenant garde à ce qu'elle fît des plis réguliers.

- Dépêche-toi!

- Voilà, voilà... »

Le militaire attrapa une cape et sortit, suivi de Woofang qui devait se retenir pour ne pas se mettre à courir devant; sa honte semblait s'être dissipée de même que sa crainte d'être à l'origine de tout. Gagner la maison des Annavatar ne posa pas de problème et ils trouvèrent Kendrakar assis dans un grand fauteuil, encore un peu pâle mais souriant. Il était en train de dicter une lettre à Daran lequel écrivait avec le plus grand sérieux. Woofang accourut, lui sautant presque dessus;

« Maître! Vous m'avez tellement manqué!

- Mon disciple indiscipliné préféré, rit Kendrakar lui aussi ravi de revoir le jeune homme. »

Il serra très fort le garçon contre lui en une franche accolade.

« Je suis content de voir que tu vas bien, et toi aussi, Will.

- J’ai eu tellement peur pour vous Maître ! s’exclama Woofang.

- Si tu avais eu un peu plus peur pour toi, ça m’aurait évité bien des ennuis.

- Je suis désolé, tellement désolé…

- Et Nathalie ?

- Nathalie ? »

Woofang baissa les yeux, l’air un peu inquiet et le regard triste - du moins plus qu’à l’accoutumée. Qu'était devenue la jeune fille? Où était-elle allée? Il espérait qu'elle n'avait pas été touchée par un quelconque projectile ou enlevée par les profiteurs de guerre. Il s'en voulait un peu; pensant sans arrêt à Kendrakar il l'avait complètement oubliée. Il ne lui restait plus qu'à souhaiter qu'elle lui pardonnerait un jour.

« Je l’ai pas revue… je sais pas où elle est…avoua t-il.

- Hum, elle doit s’inquiéter pour toi, répondit son maître d'un ton qui se voulait rassurant.

- Petit cachottier, le taquina William en lui embrouillant les cheveux.

- J’espère qu’elle va bien… rougit Woofang en se recoiffant.

- J’en suis sûr, je n’ai pas vu son nom sur les listes de nobles disparus. En réalité nos pertes civiles ont été minimes et on peut s’en féliciter, l'informa Kendrakar. »

Le garçon baissa la tête et avoua, légèrement gêné :

« C’est pas une noble…

- Ne m’avais-tu pas dit le contraire ?

- Jamais! Elle... elle vient des bas-fonds de la ville... elle n'a plus de famille, elle vit de ce qu'elle trouve.

- Brave fille… Tu as repris ton entraînement en retard ?

- Non… »

Woofang gardait les yeux baissés, un peu penaud. Kendrakar fronça les sourcils.

« Et pourquoi donc ?

- Sans vous, c’est pas la même chose. »

Le jeune adolescent s’était, inconsciemment peut-être, mis à vouvoyer son maître et à le traiter avec le plus grand des respects. Sans doute avait-il enfin compris combien il tenait à lui.

« Woofang, soupira l'Aldarian. Il va me falloir plusieurs mois pour remarcher correctement, et peut-être un an avant de pouvoir reprendre mon bâton, alors il va falloir t’y mettre car à part des conseils je ne pourrai rien faire d’autre. Et crois-moi, rester ainsi vissé à un siège me démoralise.

- Je suis désolé… Je m’occuperai de vous, si vous le désirez.

- Hors de question! J’ai assez de gens à mon service pour ça; si tu veux vraiment te faire pardonner, reprends ton entraînement, je compte bien te présenter au prochain concours des corps d’élite.

- Mais…je ne suis pas à la hauteur…

- Raison de plus pour travailler doublement. »

Woofang hocha la tête, bien que par la suite il ne fût plus question de concours. William s’éclipsa discrètement, laissant les Annavatar en famille. Kendrakar reprit ensuite, la mine assombrie;

« Tu es au courant pour Darion, je suppose.

- Oui…Je suis désolé…

- Ce n’est pas à toi de l’être. J’aimerais juste te poser une question.

- Oui ?

- Sais-tu ce qu’il s’est passé à la fin de la bataille ?

- Des lumières… une rouge et une bleue.

- Je sais ça. Mais sais-tu ce qui a fait exploser la bleue ?

- La rouge. »

Kendrakar secoua la tête.

« La rouge, c’était Altaïr et il était acculé quand la bleue s’est avancée, il ne pouvait plus bouger. Quelque chose est intervenu... ou quelqu'un...»

L’Aldarian se cala dans son dossier. Woofang, curieux, demanda :

« Vous pensez à quoi ?

- Je crois bien que je viens de réaliser que l’un de mes amis vient de tous nous sauver en abattant avec une facilité déconcertante la pire créature de cette planète.

- Ha oui ?

- Effrayant quand je pense que je ne l’ai jamais vu s’entraîner à quoi que ce soit ou perdre son calme…

- Qui ?

- Shael Nestelan, souverain de la forêt qui jalonne l'empire et du peuple qui l'habite.»

Woofang fronça les sourcils.

« C’était peut-être lui que j’ai croisé alors…

- C’est étrange, la légende dit qu’il ne peut quitter sa forêt au risque de condamner son peuple. Depuis trois mille ans il n’en n’était pas sorti. Du moins, c’est ce qu’on dit… »

Kendrakar eut un sourire en coin et une lueur dans les yeux qui ne présageaient rien de bon.

« Woofang, commença t-il.

- Oui ?

- Approche. »

Woofang obéit, méfiant, tentant encore vainement de s'imaginer ce que pouvait procurer comme effet de vivre trois millénaires durant. Un peu inquiet, il ne connaissait que trop bien cet air qu’affichait son maître et se demandait ce qui l’attendait.

« Tu aimerais te faire pardonner n’est-ce pas ? interrogea l'Aldarian.

- Oui, bien sûr !

- Et en ce moment tu tournes plutôt en rond pas vrai ?

- Oui , acquiesça le garçon se demandant où son maître voulait en venir.

- Bien, dans ce cas je te charge de savoir ce qu’il s’est passé; suis les traces de Shael pour l’interroger, tu seras mon porte-parole dans cette enquête. D’accord ? »

Le garçon fronça les sourcils, cherchant l'entourloupe. N'en voyant pas, il finit par accepter :

« D’accord.

- Il va falloir commencer par interroger Altaïr.

- Mais... »

De toute évidence l'adolescent n'avait aucune envie d'y aller, cela se lisait sur son visage et se devinait au ton de sa voix.

« Je compte sur toi.

- Il dira rien, répliqua le garçon, l’air pas du tout enchanté.

- Fais donc usage d’un peu de diplomatie ! Ne t’ai-je donc rien appris depuis ton arrivée ?

- Bien sûr que si! Mais je l’aime pas, grogna le gamin.

- Je sais que tu ne l’aimes pas et je le ferais bien moi-même si je le pouvais… mais prends sur toi.

- Bien… se résigna Woofang. J’y vais…

- Tu ne peux pas savoir à quel point c’est jubilatoire d’arriver à avoir les renseignements qu’on veut de quelqu’un à ses dépens, surtout lorsqu’il est sur la défensive… »

Le garçon soupira. Il demanda à son maître en quel endroit il pourrait trouver l’empereur; Kendrakar s’étira pour attraper un parchemin sur la table et le lui tendit. Woofang lui jeta un regard interrogateur. Il s'expliqua:

« Avec ça tu pourras aller à ta guise dans le palais et même avoir droit à un peu de son temps. De mon côté je vais essayer de savoir ce qu’il est advenu de Nathalie. Ca ne devrait pas poser trop de problèmes, mais ça risque de durer un peu...

- Merci. Mais elle n’est sur aucune liste… Elle venait des rues…

- Ne t’inquiètes pas, je saurai ce qu’il lui est arrivé, d’une manière ou d’une autre. Je ne suis pas politicien pour rien!

- Merci beaucoup! J’y vais…

- Daran va t’accompagner au palais. »

Le garçon eut une moue boudeuse. Aller voir Altaïr était une chose, supporter Daran en était une autre.

Kendrakar, d’un signe de main, envoya son fils préparer ce dont ils auraient tous les deux besoin. Ce dernier reposa le parchemin sur lequel figurait la lettre que lui dictait son père et sortit, suivi par le regard assassin de Woofang. Une fois Daran dehors, l’adolescent soupira, soupir malheureusement repéré par l'Aldarian:

« J’y tiens, précisa Kendrakar.

- Bien, se résigna le garçon. »

Il sortit en traînant les pieds. Dans la cour, Daran attendait, déjà à cheval. Il en tenait un deuxième, destiné à Woofang. Ils partirent une fois que le garçon se fût décidé à monter sur la bête, faisant fi de sa mauvaise foi. Le fils Annavatar resta muet comme une tombe tout le trajet et ne prêta aucune attention à son compagnon de route. Compagnon de route qui d’ailleurs faisait de même. Daran avait l’air plus ou moins tendu en fonction des endroits devant lesquels ils passaient et parfois, pressait l’allure.

Soudain, une femme sortant tout droit d’un recoin isolé se jeta sur les membres antérieurs des chevaux, hurlant à la fin du monde;

« IL EST TOUJOURS LA ! NOUS VAINCRONS ! »

Woofang poussa un cri d'effroi, manquant de tomber, pas très doué en équitation. Son cheval fit un écart et se cabra. Le jeune garçon était paniqué.

« Woofang ! lui cria Daran. Accroche toi à son cou ! »

Le gamin obéit; c'était tout juste.

« J’ai pas besoin de tes conseils ! répliqua t-il pour sauver l'honneur. »

Le fait de s’accrocher à sa monture permit à Woofang de ne pas tomber en arrière mais l’animal ne fut pas calmé pour autant. Il piétina légèrement la jeune femme qui ne cessait de hurler dans ses pattes.

« Mais qui c'est celle-la ! s’exclama Woofang, terrifié. »

Daran, tenant son cheval, détendit son bâton, une arme magnifique, et en pointa l’un des côtés, qui était acéré, sous la gorge de la femme aux bras déjà bien labourés par le cheval. Cette dernière adressa au jeune homme un sourire complètement dément. Daran eut l’air d’hésiter. Il finit par ranger son bâton et tourna bride. La femme hurla à nouveau à leur intention.

« VOUS N’IREZ PAS LOIN BONS PRINCES, IL EST DE RETOUR !

- Viens Woofang, fichons le camp. »

L’intéressé hocha la tête et s’empressa de décamper. A peine deux rues plus loin une ombre sortant de nulle part rendit à nouveau les chevaux fous.

« Mais c’est quoi ce bordel ! hurla Woofang. »

Daran se fit éjecter par sa monture et se réceptionna sur les pavés. L’ombre ressemblait étrangement à Sharadeïm, une chimère que tous connaissaient car elle était celle de l'assassin de l'empereur.

« Putain Shad ! Tu exagères !  s'exclama l'aîné Annavatar.»

Il se releva, se tenant l’arrière de la tête; la chute n’avait pas été agréable.

« C’est pas elle ! comprit son rival. »

L’ombre se jeta alors sur le cheval de Woofang et lui enveloppa la tête. Ce dernier paniqua et l'adolescent se fit jeter à son tour. Un grand cri accompagna son vol plané. L’atterrissage fut douloureux. Il eut un moment d'absence.

Lorsqu’il releva la tête, il vit simplement Nathalie, en larmes, assise parterre.

« Qu’est ce que… Nathalie qu’est ce qu’il y… Nan… c’est pas toi… »

Daran s’approcha sans ranger son bâton. Avec, il toucha la jeune fille qui se décala avec crainte. Il fit alors apparaître une lumière blanche dans sa main qui éclaira Nathalie sans rien changer.

« Putain de connerie de putain de connerie de bordel de merde ! jura t-il.

- Quoi ?

- Woofang, tu connais cette fille ?

- Oui…pourquoi ? »

Daran rangea son bâton.

« Ne restons pas là, dit-il.

- Mais… »

Woofang n’eut pas le temps de protester, Daran attrapa Nathalie par un bras.

« Viens, dépêche-toi ! ordonna t-il au garçon qui restait derrière.

- La touche pas ! »

Daran l’ignora et continua d’entraîner la jeune fille avec lui.

« Je t’ai dit de ne pas la toucher ! Nathalie, viens ici…dit Woofang d’un ton protecteur.

- Woofang, il faut gagner le palais au plus vite ! »

Daran, beaucoup plus grand que Nathalie, ne la lâchait pas; celle-ci eut beau se retourner dans tous les sens, ce fut en vain. Woofang s’énerva :

« Elle n’a pas besoin de toi pour avancer ! »

Sur un coup de tête, il se jeta sur Daran, prêt à en découdre;

« LACHE-LA ! hurla t-il, visiblement à bout de nerfs. »

Malheureusement pour lui, son adversaire savait se battre et le jeta parterre sans peine aucune. Daran commençait pour sa part à perdre son sang froid. Woofang chuta mais se releva immédiatement. Son opposant détendit son bâton alors que Nathalie étouffait un cri. Le regard de son petit ami se posa sur elle et aussitôt, le garçon se calma.

« Tu veux te battre ? demanda Daran avec une colère froide. »

Woofang ne lui répondit pas, se contentant de le fusiller du regard et le laissa planté là, prenant Nathalie par la main pour l’emmener. Daran les suivit en silence, trouvant plus raisonnable de ne pas en rajouter. Leur mission passait avant leurs humeurs personnelles. Ils finirent  par entrer au palais, le garçon bouillant de rage. Nathalie, qui n’avait jamais approché le palais de si près auparavant, était intimidée.

« Maintenant suivez-moi tous les deux, ordonna l’aîné des Annavatar.

- C’est bien parce que c’est maître Kendrakar qui a demandé.

- Sinon je t’aurais déjà tué, assura Daran.

- Parle pour toi, répliqua Woofang. »

Il jeta un coup d’œil à sa petite amie, elle pouvait bien voir qu’il ne pensait pas ce qu’il disait. Plus sérieux, Daran reprit.

« Tu vas emmener cette fille à la chapelle, elle a besoin de soins. »

Woofang ne se fit pas prier, même si l’ordre venait de Daran. Dès leur arrivée, les invoqueurs présents les prirent littéralement d’assaut et emmenèrent la jeune fille au temple, séparant les deux jeunes gens.''


Ah l'amour... N'ayez crainte, je n'interrompts le récit que pour vous apporter quelques précisions, car il serait dommage que vous ne compreniez pas tout, n'est-ce pas ? Les Invoqueurs étaient des mages de haut niveau ayant été formés au temple et au service du dieu de l’empire, Daermon. Curieusement, ces hommes des plus dévoués n'ont jamais été parmi les plus puissants de cette histoire – à l'exception de Kendrakar - ironique n'est-ce pas ? Voilà pourquoi j'ai toujours pensé qu'il était stupide de servir un Dieu alors qu'on pouvait obtenir tellement en étant à son propre compte. Mais reprenons, si vous le voulez bien.


''« Qu’est-ce que… Nathalie !

- Woofang ! »

Le garçon tenta une poursuite mais il fut retenu par un invoqueur.

« Du calme ! ordonna  celui-ci. On va s’occuper d’elle.

- Je reviendrai te chercher Nathalie quand tu iras mieux ! promit Woofang. »

Il se tourna vers Daran avec un regard des plus hostiles.

« Ca va aller, voulut le rassurer ce dernier.

- Toi, la ferme.

- Woofang, tu pourrais nous aider à la soigner. Si tu as de l’énergie à dépenser, tu ferais un bon chasseur de fantômes.

- Tu la touches pas, même pour la soigner! Fantômes... c’est toi que je devrais rendre fantôme.

- Je ne vais pas la toucher, je vais casser la gueule à l’origine de sa malédiction pour éviter de me défouler sur toi.

- Malédiction ? Elle n’est pas maudite !

- Si.

-Tu mens !

- Crois ce que tu veux, moi je t’ai proposé…

- Elle n’est pas maudite ! insista Woofang comme si ses protestations pouvaient encore changer les choses. »

Il hésitait sur la voie à suivre. Daran s’éloigna sans mot dire. Le garçon l’interpella:

« Eh ! Où tu vas ! Tu devais me conduire à Altaïr !

- J’ai des fantômes à tuer.

- Maître Kendrakar a dit que tu m’emmènerais !

- Tu connais le palais, débrouille-toi.

- Enfoiré… »

Woofang tourna le dos à Daran après avoir renoncé à lui cracher à la figure, se contentant d’un geste peu honorable. L’autre haussa les épaules et s’en alla. Le garçon partit dans le sens opposé, se dirigeant vers la salle du trône. Les deux lourdes portes étaient fermées; il les poussa avec un peu de peine, et entra. La salle était déserte, la cour elle-même y était absente. De dépit, Woofang donna un coup violent dans la porte.

« Raaaah ! Mais c’est pas vrai ! »

Un grand écho lui répondit mais ce fut tout.

« Je me demande quelle nana il est encore en train de se taper pour pas être là! Bon…trouver sa chambre…

- C’est moi que tu cherches ? demanda alors l’empereur qui venait d’arriver derrière lui. »

Le garçon sursauta et se retourna, se demandant si l’empereur l'avait entendu et répondit :

« Ouais et c’est bien parce qu’on m’a demandé de le faire. »

Ce n’était pas un ton pour parler à un empereur mais Altaïr laissait faire. Woofang lui en voulait toujours de l’avoir enlevé de Damrézor, bien qu'il préférât de loin Kendrakar à Shadow. C’était par principe. Altaïr ne lui avait pas demandé son avis et pour cela, il lui en voulait. La notion de respect de l’autorité était inconnue du garçon; en Damrézor, il y avait Shadow, et Shadow, on la détestait. Il ne pensait pas qu’un jour il pût y avoir quelqu’un d’autre d’aussi puissant qu’elle. Pour lui, Shadow était au-dessus de tout, et l'on ne pouvait pas lui échapper. Même si bien vite il allait se rendre compte du contraire, il était réellement persuadé que cette femme était de rang divin. Et puis… il avait une dette envers elle.

Woofang regarda l’empereur qui se tenait là, nonchalamment appuyé au mur. Il demanda alors ce pour quoi on l'avait envoyé;

« J’ai des questions à t… vous poser. C’est Maître Kendrakar qui m’envoie.

- Dis-lui que c’est Shael qui a tué ma sœur. »

L'adolescent ne comprit pas la réponse d'Altaïr. Quel rapport avec la guerre ?

« Votre sœur ?

- Il comprendra.

- La lumière bleue…C’était votre sœur ? Shalmsherra la Dame de Glace, c'était votre soeur?

- Oui.

- Mais… elle était gentille pourtant, regretta Woofang. »

Encore une fois, il parlait sans savoir. Cela commençait à devenir une habitude qui plus tard lui coûterait cher.

« Pas vraiment non, elle voulait me tuer.

- Justem… ce n’était pas Shael. Il est toujours vivant. La lumière rouge que j’ai vu a explosé !

- J’ai lancé un sortilège contre elle en dernier recours qui a explosé sur son bouclier.  Shael est intervenu immédiatement après.

- Ca n’avait pas l’air d’être un sortilège… Et la deuxième boule rouge…pensa se souvenir le garçon.

- Il n’y a jamais eu de deuxième boule rouge, affirma Altaïr. Je suis le seul infernal de cette couleur dans ce monde.

- Mais…

- Non, Woofang, j’y étais. Tu as dû mal voir. »

A mieux réfléchir, le garçon se souvint qu’effectivement il n’y avait qu’une lumière rouge. Cependant il était hors de question pour lui d’avouer s’être trompé.

« Mais je l’ai vue ! C’est vous qui avez dû mal voir !

- Je suis sûr de ce qu’il s’est passé. Maintenant si c’est tout ce que tu avais à demander, j’ai autre chose à faire. Alors arrête de fabuler, mon jeune ami. »

Altaïr se détourna et s’en alla, heureusement sans entendre la dernière remarque de Woofang :

« C’est vous qui vous foutez de ma gueule, enfoiré… »

Après son court entretien - que Kendrakar finirait à sa place de manière plus efficace - Woofang décida d’aller voir Nathalie. Il se rendit donc au temple, un immense et magnifique bâtiment. Il possédait un parvis grand de deux pâtés de maison, surélevé de quelques marches  et gravé d’un pentacle symbolisant un dragon et un Invoqueur.

Le front de l'édifice était orné d’une grande statue  à l’effigie de Daermon, le dragon à la forme humaine tendant un poing vers le ciel toutes ailes déployées, son autre main tenant un bâton qui formait un bas-relief horizontal barrant le bâtiment d’un bout à l’autre de la façade. Le temple était bien haut de trois cents mètres.

Cela n'impressionnait cependant pas l'adolescent qui y avait pendant un court moment suivi une formation sous la tutelle de Kendrakar. Il avait fini par s'habituer à la grandeur du bâtiment.

Par chance, il n'y avait pas trop de monde ce jour-là et l'accès aux portes ne fut pas grandement compliqué. Le garçon passa d'abord sous une grande arche entre les jambes de la statue. Elle donnait sur le hall, une immense salle parsemée de piliers soutenant le très haut plafond. La pièce flanquée de plusieurs portes était cerclée d’un balcon, au-dessus duquel se trouvaient les vitraux qui éclairaient le tout. Le sol marbré était gravé de pentacles de même que les murs achevant là l’impression de grandeur que l’endroit dégageait. Il y avait peu d’effigies, et seulement quelques unes représentaient de grands Invoqueurs. On n'en trouvait qu'une seule de Daermon, dans le fond.

Il y avait beaucoup de circulation dans cette salle; on y discutait, priait, riait et pleurait ou bien encore on ne faisait que passer. Ce n'était pas ici que comptait s'arrêter Woofang. Le quartier qui l'intéressait se trouvait plus loin. Il poursuivit donc son chemin après avoir traversé le grand hall.

L'intérieur était un véritable dédale de couloirs, donnant sur un grand nombre de salles et de cours dont l’agencement laissait parfois perplexe quant on repensait à la taille du bâtiment vu de l’extérieur. Malheureusement, lorsqu'enfin Woofang arriva devant le bâtiment qui l'intéressait, on lui répondit que voir son amie était impossible.

« Mais pourquoi ? demanda le garçon.

- Elle doit rester isolée jusqu’à ce que la chimère qui la possède soit tuée ou achève de se décomposer, répondit l’invoqueur.

- Une…une chimère ? Mais c’est impossible! Laissez-moi la voir !

- Non, ce serait dangereux, et pour vous, et pour elle. Une chance d’ailleurs qu’elle ait été ramenée ici à temps.

- Mais je veux la voir !

- C’est non. »

L’invoqueur se détourna sans lui prêter davantage d'attention. Woofang, qui ne devait son droit d’entrée qu’aux couleurs de la maison Annavatar se retint de hurler. Il se rendit au début de l'une des ailes du temple où seuls les invoqueurs ayant fini leurs études pouvaient s’aventurer. L'accès était des mieux surveillés. L’adolescent regarda les gardes d'un air dépité; pour la première fois il se mit à regretter de ne pas pouvoir utiliser les techniques de caméléon qu'il avait apprises lors de son apprentissage en Damrézor.

« Laissez-moi passer.

- Je suis navré c’est impossible. »

Woofang soupira.

« Dans combien de temps la chimère aura-t-elle disparu ?

- Tout dépend de son endurance, le renseigna une invoqueuse qui passait là. Les plus mauvaises et les plus puissantes sont coriaces et peuvent mettre jusqu'à six mois. Depuis la fin de la bataille ça ne fait au grand maximum plus que quatre mois et demi à tenir, courage. »

L’invoqueuse passa son chemin. Woofang la regarda partir, rageur. Il se sentait impuissant et ne le supportait pas.

Soudain des bruits de sabots ferrés claquant sur le marbre se firent entendre dans le hall. Le garçon se retourna, curieux de savoir ce qui faisait ces bruits. Ils provenaient de Kendrakar, assis sur un cheval, l’air nerveux, et qui n’avait pas pris la peine de descendre de sa monture. Il ne se rendit pas compte de la présence de Woofang et se mit à donner des ordres.

« Nina ! Yaduwë ! Avec vos hommes à la deuxième tour Nord du second anneau ! Une noire est entrée en secteur habité !  hurla t-il. »

En s’approchant, le garçon remarqua que son maître était monté sur une selle étrange mais en la détaillant bien il s’aperçut qu’elle était tout simplement faite pour lui tenir les jambes. Woofang jeta un coup d’œil aux invoqueurs qui s'agitaient désormais et espérait que les gardes également allaient décamper. Deux invoqueuses écartèrent aussitôt la foule et rassemblèrent leurs combattants. Les invoqueurs s’en allaient à cheval ou à dos de chimère, mais les gardes ne bougèrent malheureusement pas. L’adolescent soupira.

C’est à ce moment là que Kendrakar le remarqua.

« Woofang ! dit-il joyeusement. Que fais-tu là ?

- Je…rien, mentit le garçon. Vous allez bien, maître Kendrakar ?

- Je t’ai déjà dit qu’il était inutile de mentir à un politicien.

- Avec de l’obstination…

- Enfin, toujours est-il que je vais assez bien pour ne plus supporter de rester enfermé. Daran a été assez aimable pour dresser cette adorable bête à son passer de jambes… »

Au nom de Daran, Woofang tiqua. Le courant ne passait définitivement pas entre eux. Après un nouveau soupir et un compte rendu rapide de sa visiste à l'empereur, il avoua enfin le motif de sa présence ici :

« En fait… Je passais voir Nathalie mais… ils ne veulent pas me laisser entrer…

- Ho… Elle a été touchée par un fantôme.

- Une chimère! Les fantômes ça n'existe pas!

- Une chimère en liberté, oui, c’est ce que nous appelons un fantôme. Les plus puissants peuvent contrôler les humains et sont une vraie plaie. Les plus faibles ont la taille d’un chien et pourrissent dans leur coin… C’est le prix à payer pour utiliser leur magie. Ecoute Woofang, il y a une façon rapide de sauver Nathalie…

- C’est quoi ? répliqua aussitôt le garçon, d’un ton impatient.

- Arelfeld ! appela alors Kendrakar. »

Un des gardes approcha.

« Amène ce jeune homme à son amie, il te l’indiquera.

- Mais…

- Prends Chin’ra avec toi et dis-lui de chercher la marque de la chimère.

- Messire…

- Exécution ! »

En cet instant précis, brilla dans le regard de Woofang une reconnaissance envers son maître qu’on ne lui avait jamais vu auparavant. Le garde lui fit signe de le suivre.

« Va, Woofang, je t’attends. »

Le garçon hocha la tête et suivit le dénommé Arelfeld. Celui-ci appela une invoqueuse et lui répéta les paroles de Kendrakar.

« Bon, d’accord… céda t-elle. Mais je vous préviens, ça peut bien se passer tout comme ça peut s’avérer très éprouvant… »

Ils entrèrent dans ce qui ressemblait à un dortoir, une chambre contenant six lits bien qu’occupée par une seule personne. Nathalie était immobile sur l'une des couchettes, assise, les yeux fermés. Elle ne semblait pas avoir remarqué leur arrivée.

« Il va falloir repérer une marque sur sa peau, annonça Chin’ra. Cette marque nous permettra d’identifier la chimère impliquée.

- Et de l’écrabouiller ! s’exclama le garde.

- Moui…fit l’invoqueuse, peu enthousiaste à cette idée. »

Woofang frémit; cette perspective ne le réjouissait guère.

« Et… est-ce que Nathalie…va avoir mal ?  s'inquiéta t-il.

- Moins que ce qu’elle endure actuellement. Méfiez-vous tout de même, l’avertit Chin’ra.

- Nathalie… »

Woofang s’avança prudemment dans la pièce, et se précipita vers elle, l’air inquiet, se méfiant tout de même un peu. Nathalie ne réagit pas le moins du monde.

« Pourquoi elle bouge pas ? s’alarma le garçon.

- Du calme. Trouvons rapidement cette marque. »

Woofang opina du chef. Le garde était quant à lui resté à la porte. Lorsque la prêtresse toucha Nathalie, celle-ci ouvrit brusquement les yeux. Ce fut son unique mouvement. Cela fit néanmoins sursauter l'adolescent qui lui posa une main sur le front, comme si elle avait de la fièvre.

« Restons calmes, murmura Chin’ra. »

Woofang hocha encore une fois la tête. Nathalie le regarda sans vraiment le voir, puis tourna la tête vers l’invoqueuse avec une lenteur effrayante. En plus de son anxiété, le garçon en avait froid dans le dos. Elle lui évoquait un zombi. Chin’ra découvrit alors l’épaule de la jeune fille où se trouvait la marque; elle ouvrit des yeux ronds.

« Par Daermon… Ne restons pas l… »

Avant qu’elle ne pût finir sa phrase, Nathalie avait déjà attrapé Woofang par le cou et serra si fort qu’elle le broya presque. Heureusement, l’invoqueuse réagit promptement en collant la jeune fille au mur avec une décharge magique. Chin’ra et le garde ramassèrent ensuite le garçon, quittèrent précipitamment la chambre et s’empressèrent de refermer la porte.

« Tu m’étrangles…râla Woofang. Laissez-moi rentrer !

- Non, elle te tuerait.

- Je m’en fiche ! »

Sans l’écouter, les deux le ramenèrent vers Kendrakar qui attendait dans le hall. Il avait visiblement réussi à calmer son cheval.

« Alors ? s’enquit-il.

- Elle n’est pas répertoriée, répondit Chin’ra.

- Quoi ?

- Deux V l’un au-dessus de l’autre, ouverts vers le haut, poursuivit l’invoqueuse.

- Mais qui a invoqué ce type de chimère ! Je pensais avoir donné des ordres ! s'énerva l'Aldarian.

- Sûrement Simbor, il a toujours été jaloux de Morgan…

- Même mort ce crétin me pose encore des problèmes… C’est pas vrai! Woofang, grimpe, on va se défouler tous les deux.

- Mon seigneur… Ce n’est pas prudent…et si…

- Silence, interrompit Kendrakar. Je suis seul à pouvoir réparer cette monstrueuse bourde et je vous préviens, cet écart vous coûtera cher ! »

Chin’ra n’insista pas, consciente que ce débat était perdu d'avance. Elle s’inclina et prit congé.

« Mais, et Nathalie ? demanda Woofang.

- Nous allons la sauver. N’as-tu pas compris qu’il faut tuer la chimère pour la libérer ? »

Woofang bien qu'il ne l'eût pas réalisé, hocha la tête.

« La chimère est quelque part en ville.

- Allons-y.

- Allez, grimpe. »

Le garçon finit par monter sur le cheval. Un magnifique spécimen noir… qui allait très mal avec le teint de Kendrakar. La couleur de sa monture était quelque chose d’inhabituel chez lui.

« On va faire quoi exactement ? demanda Woofang.

- Casser du monstre… »

Woofang déglutit. Il n’eut cependant pas le temps de répondre que déjà Kendrakar était sorti du hall au galop. Rapidement, le cheval changea de forme pour adopter l’apparence de…Shin-ru. Le garçon n’était pas rassuré du tout, le dragon en revanche semblait s’amuser. Son maître reprit la parole :

« La chimère qui possède ton amie est une « sœur » de celle de Morgan.

- C'est-à-dire ?

- En gros… »

Kendrakar posa son dragon sur un rempart.


La classe, pensa Woofang en admirant la noblesse et la majesté des gestes de son maître.


« Nous cherchons une ombre, poursuivit ce dernier. Cependant, qu’elle ait tenté de te tuer toi est plutôt bon signe. Chin’ra représentait le seul vrai danger pour elle, mais si elle t’a attaqué en premier, c’est qu’elle t’a considéré comme plus dangereux… Et pourquoi à ton avis ? »

Le garçon haussa les épaules. Il n’en savait rien.

« Parce que Nathalie a réagi inconsciemment à ta puissance, et que visiblement elle t’associe soit à sa délivrance, soit à quelqu’un de puissant.

- Mais pourquoi ?

- Va savoir…répondit Kendrakar sur un ton énigmatique. Peut-être qu’elle est très amoureuse de toi. »

Woofang soupira, pas vraiment convaincu.

« J’espère… murmura t-il. Sinon c’est qu’elle m’a menti…

- Tu sais, répondit l’Aldarian d’un ton amusé, les femmes…

- Nathalie n’est pas comme les autres !

- Justement. C’est bien ça le problème : il n’y en a pas deux pareilles. »

Encore une fois, le garçon haussa les épaules;

« Tant mieux, dit-il. Si tout le monde avait la même…

- Comme ce serait simple…rêva Kendrakar.

- Ha non…

- Bon, on va aller interroger les chasseurs. »

Kendrakar fit descendre Shin-ru, qui reprit l’apparence d’un cheval.

« Ils sauront des choses vous croyez ? demanda le garçon.

- S’ils l’ont croisée ça pourrait nous aider. Sinon, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. »

Ils atteignirent des quartiers déserts et pas encore reconstruits. Cela donnait un décor plutôt glauque. Woofang soupira.

« On sait à quoi elle ressemble au moins la chimère qu’on cherche ?

- Elle peut prendre la forme qu’elle veut. Ses seules contraintes sont qu’elle a deux yeux rouges et qu’elle doit rester noire. »

Le garçon jeta un coup d’œil à Shin-ru, pas franchement rassuré.

« Allons, courage, elle aura forcément attaqué des chasseurs. »

Par chance, ils tombèrent sur Morgan. C'était un homme étrange, à la peau presque noire, aux cheveux coupés courts, d'un blanc de neige malgré son jeune âge, aux oreilles pointues, le tout illuminé par deux yeux d'un vert émeraude profond. Un demi-drow. La lame de l'empereur, assassin de talent, lié à une chimère aux grands pouvoirs.

Il était essoufflé et soutenait une prêtresse qui avait l’air mal en point.

« Kendrakar ! Daermon soit loué ! On a un problème… dit Morgan.

- Laisse-moi deviner, une deuxième Sharadeïm ?

- Je n’en sais rien, mais si c’est le cas elle s’est convertie en flagelleur mental.

- Et merde… Woofang, descends.

- Flagelleur mental… murmura le garçon…

- Woofang, descends de cheval. »

L'adolescent reprit ses esprits et obéit.

« Qu’est-ce que je dois faire ? demanda t-il.

- Reste avec Morgan, ton aide ne sera pas de trop. Protégez la prêtresse. »

Kendrakar fit repartir sa monture au galop et disparut à l’intersection. Woofang n’avait pas l’air très rassuré par Morgan, ne connaissant que trop sa réputation et ayant une franche aversion pour les races sortant de l'ordinaire. L'assassin déposa la jeune femme à terre; sa jambe semblait avoir souffert.

Soudain, du coin de la rue, arrivèrent plusieurs personnes, l’air tout à fait normal…aux premiers abords. Woofang s’en méfia et il eut raison. Morgan tira ses armes. Deux lames courbes, dont l’une était dentelée.

« Et merde… marmonna t-il.

- M’sieur…C’est quoi ? interrogea timidement le garçon.

- Ils sont possédés. Ça se voit à leur façon de marcher. Il faut éviter de les tuer, mais ne les laisse pas approcher. »

Les inconnus s’avançaient de plus en plus, marchant en plaçant leurs pieds l'un exactement  devant l’autre. Les deux jeunes gens furent rapidement encerclés. Ils se mirent dos à dos. Woofang était inquiet et se sentait impuissant sans son bâton pour se défendre. Morgan lui donna alors un de ses cimeterres puis commença à trancher à tout va lorsque les gens arrivèrent  à leur hauteur.

L'adolescent eut du mal à manier l'arme que l'assassin lui avait confiée; il s'en servait comme il se fût servi de son bâton, autant dire que cela donnait un résultat peu efficace.

Le principal était de se tenir à distance, tout en les empêchant de s’attaquer à la prêtresse. Peu de gens étaient armés, mais les filles leur sautaient dessus comme des harpies. Ne pas les blesser n’était pas très évident et le garçon avait du mal. Plusieurs coups de Morgan furent les bienvenus de son côté. Au bout de dix minutes, celui-ci fit voler les têtes avec une férocité toute bestiale.

« J’ai horreur d’être acculé, justifia t-il. »

Woofang était dégoûté, effrayé et tâchait de voir le bon côté des choses, l'estomac retourné: plus personne ne les agressait. La prêtresse avait quant à elle perdu connaissance.

Soudain, un éclair noir fendit les airs et s’arrêta net, adoptant une forme féminine, guérissant lentement de ce qui semblaient être de spectaculaires griffures; Sharadeïm. La chimère de l'assassin.

« Kendy l’a noyée, annonça t-elle.

- Qui ça ? demanda Woofang.

- La chimère de ton amie pardi ! s'exclama la bête.

- Alors Nathalie est sauvée ? »

Le garçon partit instinctivement en direction du temple; Morgan le laissa filer. Il eut cependant du mal à retrouver l’édifice  car il ne savait pas où il se trouvait pour n'avoir pas fait attention au chemin qu'il avait pris; la foule était dense, la ville était grande, tumultueuse et très agitée.

« Et bah enfin… »

Arrivé au temple, Woofang se précipita vers la chambre de Nathalie. Malheureusement, une prêtresse s’interposa.

« On ne passe pas….Hey, mais…tu es le garçon qui est venu il y a quelques heures avec messire Annavatar… »

Woofang hocha la tête, l’air plus qu’inquiet.

« Nathalie…Je peux la voir ?

- Tu as bien vu que ça a failli mal finir la première fois, refusa la jeune femme, les poings sur les hanches.

- Mais… Maître Kendrakar a noyé la chimère…

- Quoi ? fit la prêtresse qui ne semblait pas en croire ses yeux.

- Il a noyé la chimère.

- On ne peut pas noyer une chimère jeune homme, du moins pas celle qui contrôle ton amie…

- Mais…Sharadeïm l’a dit…

- Qui est Sharadeïm ? Je ne peux pas te laisser entrer à moins que ce ne soit un ordre de messire Annavatar.

- Je sais pas exactement qui c’est… Mais elle est toujours avec Morgan. »

La prêtresse pâlit.

« Morgan…Morgan le semi drow ?

- Le garde du corps d’Altaïr, confirma Woofang avec une grimace.

- Tu penses que la chimère a été vaincue ?

- J’ai un moyen de vérifier, répliqua le garçon avec un regard entendu. »

La femme soupira, refuser davantage était inutile; si l'adolescent était là, Kendrakar ne devait pas être très loin et l'ordre de le laisser passer arriverait d'un instant à l'autre. Elle finit par céder;

« Si jamais il t’arrive quelque chose je vais me faire excommunier… Bon, viens. »

D’un air reconnaissant, le garçon hocha la tête et suivit la prêtresse qui ouvrit la porte de la chambre; Nathalie était en train de pleurer à chaudes larmes dans son oreiller. Woofang entra et avança doucement vers elle.

« Nathalie…ça va ? »

Elle ne répondit pas.

« C’est fini…Je suis là maintenant, ma pauvre chérie… »

Shinilann, la prêtresse, s’approcha et lorsqu’elle posa sa main sur l’épaule de la jeune fille, cette dernière sursauta, laissant échapper un cri de terreur qui effraya Woofang. Celui-ci le reprocha à Shinilann :

« Nan mais ça va pas ?!

- Du calme…je veux juste vérifier… »

Nathalie se dégagea pour aller se terrer dans un angle de la pièce. Son ami soupira et s’approcha d’elle, doucement.

«Ma chérie… murmura t-il. Elle ne te veut aucun mal…elle veut juste s’assurer que la chimère est bien partie. »

La jeune fille eut pour seule réaction de se retourner pour pleurer contre le mur, finissant par se taper la tête dessus.

« Elle va se faire mal…va la chercher, murmura alors Shinilann. Regarde sur sa hanche gauche. Si la marque est blanchâtre, plus aucun danger.

- Nathalie calme-toi… Viens dans mes bras… »

La jeune fille n’eut encore une fois aucune réaction.

« Nathalie…

- La musique…elle…Elle n’arrête pas…murmura t-elle soudain.

- Quelle musique ma chérie ? »

Woofang la prit dans ses bras pour l’enlever du mur. Elle se laissa faire mais semblait désespérée de ne pas arriver à lui expliquer ce qu’elle ressentait.

« La musique ! »

Le garçon soupira.

« La musique… fit-il. Oui, bien sûr, suis-je bête !! LA musique ! s’exclama t-il soudain bien qu’il n’eût aucune idée de ce dont il s’agissait. On va trouver quelque chose ma chérie… on va t’aider…on va l’arrêter, la musique… »

Woofang lança à Shinilann un regard implorant; il ne savait pas quoi faire. Nathalie hocha vigoureusement la tête, elle acceptait l’aide de son ami. La prêtresse fit signe à celui-ci de vérifier la marque.

« Nathalie ma chérie…je peux juste regarder quelque chose ?

- Quoi ? demanda celle-ci en le regardant bizarrement.

- Et bien… te montrer que la chimère est bien partie, répondit Woofang avec un sourire complice. Pour que tu aies moins peur.

- Elle est partie. Ils sont presque tous morts, puis…puis l’eau…le froid et…la musique ! Hooo j’ai vu leurs têtes, n…noyées…dans…dans le sang ! »

Woofang écarta les pans de vêtements qui recouvraient le haut de la hanche de Nathalie. Tout en continuant la conversation :

« La musique…elle est comment la musique ? On va te faire oublier tout ça ma chérie tu verras… »

La marque qu’il découvrit était blanche. Woofang leva le pouce à l’intention de Shinilann pour lui dire que tout était bon.

« Elle est étrange. Si grande, si forte… pas comme la lyre des musiciens en ville…c’est…je ne sais pas… comme des chants, des centaines, des milliers d’instruments !

- Est-ce qu’elle est jolie ? La musique ?

- Je ne sais pas… oui…tellement qu’elle me fait peur… »

Shinilann ouvrit la porte faisant signe à Woofang de sortir. Celui-ci refusa d’un mouvement de tête et reporta à nouveau son attention sur Nathalie.

« On va trouver un moyen, promit-il. On la fera sortir de ta tête… »

La jeune fille se serra contre lui, rassurée. La prêtresse prit alors la parole.

« Viens, Woofang, il vaut mieux la sortir d’ici, il y a des chambres libres chez les novices à l’étage. »

Le garçon hocha la tête.

« Viens Nathalie, on va aller ailleurs, dans une autre chambre. Ca te changera un peu les idées… »

Il lui fut inutile d'en ajouter plus; la jeune fille suivait déjà, ne voulant plus le lâcher. Elle se mit à parler d’un ton rêveur, alors qu’ils venaient d’entrer dans le couloir:

« Tout est si beau, si grand, comme la musique…

- Ha ? Oui… C’est beau… Mais…c’est bizarre que tu entendes une jolie musique après…Ce qu’elle t’a fait subir…

- Elle n’a rien fait, elle… j’étais ailleurs. Je ne l’ai pas vu, jamais… »

Woofang avait l’air inquiet, alors que la jeune fille continuait sa description.

« Ailleurs, il n’y avait rien, je…je n’étais pas…c’était comme… j’étais là mais pas mon corps. Je voyais…partout…pas la peine de bouger ou de parler… Je sentais, c’est tout. Elle communique par sentiments, elle ne m’a parlé qu’une fois avec de la colère et de la haine… Si fortes…ça m’a fait mal… Puis plus rien, je savais que je n’étais pas seule, mais je ne sentais qu’elle… Puis ce déluge si froid…

- Je…je crois comprendre ce que tu dis.

- Tu m’as tellement manqué !

- Moi aussi Nathalie, moi aussi… Je savais pas où tu étais…J’étais tellement inquiet…puis quand je t’ai trouvée ici…J’ai eu tellement peur pour toi!

- Voilà, installez-vous ici, les interrompit alors Shinilann en ouvrant une porte. Je dirai à messire Annavatar qu’elle est hors de danger.

- Merci beaucoup, répondit Woofang en hochant la tête avec un sourire reconnaissant. »

Shinilann lui rendit son sourire, contente pour lui puis les salua avant de retourner à sa tâche. Woofang désigna un lit à son amie.

« Allez Nathalie, allonge-toi, tu veux quelque chose ?

- Non, merci. »

A ce moment là, des bruits de sabots résonnèrent dans le hall.

« Tiens, ça doit être maître Kendrakar…

- Pourquoi tu l’appelles comme ça ? »

Woofang s’assit à côté de Nathalie. Il avait un petit sourire aux lèvres.

« Et bien… il m’apprend à manier le bâton, et…là où « j’habitais » avant…C’était une formule d’usage. C’est une sorte de marque de respect. Et je lui dois beaucoup.

-Tu ne me parles pas beaucoup de ton entraînement, on dit en ville que c’est un maître sévère.

- Ho, il exige de la discipline mais il est gentil, et puis… »

Le garçon hésita un instant avant de continuer.

« Je le considère un petit peu comme mon père… même s’ils n’ont rien à voir tous les deux… Mais ça, ne va pas le répéter hein ! »

Woofang sourit à Nathalie.

« Ma puce…

- Ton père ? interrogea la jeune fille, curieuse. »

Le garçon hocha la tête.

« Tu as de la chance d’être sous l’aile d’un grand seigneur, reprit Nathalie. Tu penses qu’il fera de toi quelqu’un d’important un jour ?

- Je sais pas. Mais j’ai pas envie d’être important. Lécher les bottes de ce crétin d’empereur toute ma vie, non  merci…

- Vous n’en parlez jamais ?

- Non.

- Arrête de maudire l’empereur comme ça oh…

- Tout est de sa faute!

- C’est un bon seigneur, puis…Sans lui je ne t’aurais jamais rencontré…

- Tu aurais peut-être rencontré quelqu’un d’autre.

- Nan. »

Nathalie se redressa pour embrasser Woofang qui se laissa faire. Ils ne remarquèrent pas la silhouette qui s'était dessinée dans l’encadrement de la porte, appuyée sur une canne.

« Ahem…si je dérange, je repasserai plus tard. »

Woofang se retourna après avoir sursauté.

« Maître Kendrakar ! s’écria t-il alors d’un ton joyeux, un grand sourire sur le visage. La chimère…elle est partie !

- Je sais, je sais…

- Merci beaucoup de l’avoir tuée, merci ! »

Woofang sauta au cou de Kendrakar, lequel manqua de tomber, n’ayant toujours qu’un équilibre précaire.

« Doucement…

- Désolé... Nathalie, c’est lui qui a tué la chimère !

- Tiens, rends-toi plutôt utile, dit Kendrakar. J’ai l’impression d’être un vieillard. »

L’Aldarian s’appuya sur Woofang pour s’asseoir sur le lit, Nathalie s’étant respectueusement écartée. Le garçon quant à lui se posa  à côté de son maître, invitant la jeune fille à venir sur ses genoux. Elle secoua la tête en signe de refus : cela ne se faisait pas devant quelqu’un d’important. Woofang haussa les épaules et se tourna alors vers Kendrakar, demandant d’un ton inquiet :

« Vous allez vous en remettre ?

- Mais oui… En fait… Dans la mesure où Morgan a occis toutes les autres personnes ayant eu un contact avec la chimère, je voudrais poser quelques questions à cette jeune fille. Nathalie c’est ça ? »

La jeune fille hocha la tête pour répondre à Kendrakar.

« Hummm…je te félicite, Woofang, tu as des très bons goûts, reprit celui-ci en souriant, faisant rougir la jeune fille. »

Le garçon passa un bras au tour des épaules de celle-ci d’un air fier, remerciant son maître du compliment. Lequel continua :

« Je ne vous importunerai pas longtemps, vous devez avoir très envie de fêter vos retrouvailles. »

Kendrakar se mit alors à poser des questions à la jeune fille. Elles portaient surtout sur ses sensations, lui demandant de les décrire, de les expliquer. Woofang restait à côté et écoutait en la plaignant pour ce qu'elle avait enduré. Cependant, Nathalie ne parla pas de la musique. Son ami se demandait l’utilité de certaines questions comme quelle était sa couleur préférée, à quand remontait son dernier souvenir…

« Bien, ça ira, conclut l’Aldarian. Je pense que Nathalie devra rester quelques jours au temple pour vérifier qu’elle n’ait pas de séquelles ou de rechute. »

Woofang l'observa; ce serait toujours mieux au temple que dans la rue, mais tout de même; cela signifiait qu’il pourrait moins la voir et puis, il n’aimait pas les temples. Il détestait les dieux. Kendrakar se leva, en s’appuyant sur sa canne. Ce genre de mouvement lui était apparemment encore douloureux.

« Vous voulez de l’aide, maître Kendrakar ? demanda son apprenti.

- Oui, viens avec moi Woofang.

- Et Nathalie ?

- Tu auras tout le temps de voir Nathalie  dans les jours à venir et elle doit se reposer. »

La jeune fille approuva les paroles de Kendrakar d’un signe de tête. C’était mieux ainsi. L’Aldarian s’appuya sur sa canne autant que sur son disciple, pour sortir de la chambre.

« Vous ne devriez pas sortir ainsi, maître Kendrakar, désapprouva l'adolescent.

- Je t’en prie, tu ne vas pas t’y mettre aussi… »

Ils traversèrent le temple pour atteindre un endroit que Woofang n’avait encore jamais visité et dans lequel régnait un calme irréel. Une légère musique flottait dans les airs telle un parfum, « si faible que celui qui l’entend pense qu’elle est le fruit de son imagination, mais si douce qu’on ne peut s’empêcher de tendre l’oreille ». Ils arrivèrent dans une étrange cour, assez petite, bordée de colonnades de marbre, avec en son centre un arbre et une ouverture sur le ciel bleu. Kendrakar s’assit sur l'un des nombreux bancs qui se trouvaient là avec un soupir d'aise. Woofang le regarda d’un air interrogatif. Son maître ferma les yeux avec un sourire, puis demanda doucement :

« Sais-tu où nous sommes ?

- Non, répondit le garçon curieux.

- Dans les catacombes, la partie du temple réservée aux morts.

- C’est joli pour des catacombes…

- En effet, on associe trop souvent ce nom à des souterrains remplis d’ossements. »

Woofang hocha la tête;  les catacombes de Damrézor, véritable lieu d'abomination, lui laissaient un souvenir cuisant.

« Mais cette cour en particulier abrite les corps de tous les défunts daermoors, précisa l'Aldarian.

- Darion…murmura Woofang.

- Oui… Je n’ai pas pu assister à la cérémonie et je le regrette. On m’a dit que Shinilann avait dansé comme jamais… »

Kendrakar sourit encore.

« Sais-tu, Woofang, que dans l’antiquité les invoqueurs étaient de simples danseurs, des shaman chargés d’indiquer la route de l’au-delà aux âmes des défunts? La seule magie qu’ils savaient faire. Après la guerre des dieux, quand Daermon est apparu tout puissant, il les a désignés comme ses représentants et de là est né le clergé tel que nous le connaissons.

- Daermon…soupira Woofang.

- Jusqu’à ce que je prenne la tête du temple, les morts étaient célébrés par des fêtes et enterrés avec des prières. »

L’Aldarian se mit à rire.

« Peu de gens ont apprécié ce « retour en arrière » consistant à envoyer à Daermon les âmes des morts avec des danses!

- Il n’y a rien de drôle…

- Quand j’ai appris qu’ils se plaignaient d’être hantés, je me suis dit que les fantômes étaient mes premiers partisans politiques. Encourageant non ?

- Possible… »

Kendrakar pensa ensuite à autre chose, de plus sérieux, de plus préoccupant; cela se vit sur son visage. Woofang aimait bien ces instants passés seul avec son maître, à l’écouter lui raconter toutes sortes d’histoires, légendes ou faits réels. Et ici, en cet endroit, il se sentait à l'aise.

« La guerre civile a éclaté dans le Nord, soupira alors son maître. Et si on n’intervient pas rapidement, les successeurs potentiels du duc de Mélorie vont entraîner le duché dans le chaos.

- Je vois pas en quoi ça me concerne, râla le garçon qui préférait l’histoire précédente. J’ai toujours trouvé ça idiot, la politique. »

Le garçon soupira.

« Ca sert à éviter des guerres...  dit Kendrakar.

- Des guerres ?

- Oui.

- Chez moi, il y avait pas de guerres…chacun avait pareil…des fois y avait des invasions ratées, mais jamais des guerres…

- Ecoute, reprit Kendrakar, tu as suivi avec moi un entraînement supérieur à celui du temple. Tu n’es pas invoqueur à proprement parler mais tu en as toutes les aptitudes.

- Je n’en ai pas la volonté.

- Et ils sont mobilisés pour aller calmer les barons du Nord qui se font la guerre entre eux pour devenir Duc. Tu en fais partie… Et c’est Altaïr qui prendra la tête de cette armée.

- Je ne me mettrai jamais au service d’Altaïr ! »

Kendrakar sortit de sa poche ce qui se rapprochait le plus d’une cigarette, en fait du tabac roulé.

« Pourtant tu l’es, dit-il.

- Jamais.

- Je me doutais que tu dirais ça. »

D’un sortilège, l’Aldarian alluma ce qu'il tenait en main. Woofang le regarda d’un mauvais œil.

« Vous ne devriez pas…dit-il.

- Je sais, je sais, répondit Kendrakar, mais il n’y a que ça qui me calme.

- Après tout….

- Autant que je me souvienne, j’ai commencé pour calmer mon trac avant un combat dans une arène à dragons. Enfin, bref… »

Woofang haussa les épaules.

« Chacun ses raisons, lâcha t-il.

- Comme je me doute bien que tu ne veux pas suivre Altaïr, reprit Kendrakar plus sérieux, et que je ne veux pas te voir traqué comme déserteur ou pendu pour mutinerie, voilà ce que je te propose : va rencontrer Shael pour moi et prends des nouvelles de Seregorn. Je pense pouvoir inclure Nathalie à la troupe si tu veux.

- Ca me dérangerait pas, d’être traqué comme déserteur… Au moins j’aurais un prétexte pour m’en aller…

- Nous traquons les déserteurs de la même façon que nous avons mis la main sur la chimère tous les deux. Et ça me ferait beaucoup de peine que tu finisses entre les molaires d’un dragon, après tout le mal que je me suis donné à faire de toi quelqu’un capable de tracer sa route. Si tu veux t’en aller tu n’as qu’à le dire et je t’ouvre un portail, il existe tellement de mondes…

- Pour aller où… je peux plus rentrer chez moi…

- Je serais curieux d’aller faire un tour là-bas un de ces jours.

- On n’entre pas si facilement en Damrézor…Qui c’est qui irait avec moi voir Seneron ?

- Seregorn. Fais attention à ce pauvre gosse, il vit le martyr de Nathalie tous les jours, il peut devenir dangereux... Je vais t’affecter Shinilann, elle est très douée et il faut que je l’éloigne de la ville. Alrik et Fox sont de bons soldats à qui un peu de marche ne ferait pas de mal. Vous serez assez de cinq. J’ai prévenu Shael de votre venue, vous ne devriez rencontrer aucun danger, mais attention quand même, cette forêt grouille d’anges et de daermoors noirs.

- Le martyr de Nathalie ?

- Oui, c’est ce qui le rend parfois dangereux; son esprit fonctionne à l’inverse de celui des gens normaux et l'on n’a pas encore pu voir l’étendue de ses capacités. Mais le fait qu’il appelle les dracosires comme j’appelle mon chien est plutôt effrayant, tu ne trouves pas? Shael sait y faire paraît-il…en tout cas, depuis qu’il en a la garde, Seregorn ne pose plus de problème. Ton rôle est simplement d’aller voir s’il va bien. C’est une mission de routine mais ça te sortira un peu de la salle d’entraînement et tu pourras échapper à Altaïr. »

Woofang hocha la tête mais il n’avait pas l’air très rassuré. Kendrakar lui passa un bras autour des épaules :

« Ne t’inquiètes pas, Shinilann est très douée. Elle a déjà tiré Daran du pétrin à plusieurs reprises et est la première de sa classe.

- Daran…grimaça Woofang.

- Je sais que vous ne pouvez pas vous sentir, c’est juste un exemple. »

Le garçon hocha la tête. Il n'avait aucune objection à proposer.

« J’irai, annonça t-il.

- Bien, approuva son maître. »

Kendrakar écrasa sa cigarette entre ses mains et la fit disparaître en la frottant. Puis il informa son disciple :

« Vous partez demain, tu ferais mieux d’aller chercher Nathalie.

- Bien. »

Le garçon se leva, prit congé de son maître et se mit en quête de la jeune fille, avant d'aller préparer ses affaires.

Quant à moi, il est temps maintenant de me mêler à leur histoire. Mon plan me prendra du temps et sera risqué. J'ai pris mes précautions et il ne me reste plus qu'à espérer que cela suffise. Je connais sa faiblesse, à elle, mais je ne sais à quoi m'attendre avec les autres. C'est peut-être mieux ainsi, sans surprise, ruiner leur vie n'aurait rien d'amusant, pas vrai?

13 août 2008

PREMIER CHAPITRE



''Woofang, du haut de ses quatorze ans, fronça les sourcils. Il n’arrivait jamais bien longtemps à défier son maître du regard. L'adolescent était à vrai dire assez couard et n'avait pas le courage de ses opinions. Il parlait beaucoup et râlait souvent mais baissait la tête à la moindre objection. Il était petit de taille et ses yeux noirs bridés étaient plus souvent brillants de larmes que de joie.

Son maître n'était guère plus grand mais paraissait bien plus costaud. Ses longs cheveux roux carotte noués en catogan venaient contraster avec ses yeux vert émeraude, en amande. Ses oreilles légèrement pointues indiquaient son appartenance au peuple Aldarian et le tout faisait de cet étrange personnage un homme sans âge. Aux yeux de Woofang il était sans doute la seule personne dans tout l'empire que l'on pouvait juger digne de respect, bien que l'adolescent prît un malin plaisir à lui attirer moults tracas.

« Tu aurais accepté que je travaille pour lui, reprocha Woofang à son maître.

- Non. C'est à toi de décider, répondit Kendrakar.

- Je pensais que… que je comptais…

- Bien sûr ! D'ailleurs, tu n'as pas idée du nombre de garçons de ton âge qui rêvent de se mettre à son service!

- Et vous… et toi tu aurais accepté qu’Altaïr se serve de moi, si j’avais dit oui ? bredouilla l'adolescent.

- Pas de plein gré. Nous avons eu une conversation assez… houleuse sur le sujet. Je crois que je t’aurais demandé de faire très attention et que j’aurais promis à Altaïr un régicide s’il ne te ramenait pas entier. Mais là n’est pas la question, tu as dit non, tu es assez grand pour décider tout seul. Alors cesse de faire la tête et sois rentré avant la nuit pour le briefing, dit Kendrakar pour calmer le jeu.

- Et toi… T’aurais accepté qu’on se serve de moi… appuya Woofang qui ne lâchait pas le morceau.

- Pas qu’on se serve de toi, soupira l’Aldarian, agacé par la mauvaise foi de son disciple. »

Woofang sembla pensif un moment puis promit ;

« Je partirai pas de la cité. Mais je rentrerai plus à la maison. »

Cette remarque teinta de peine le visage de Kendrakar. L'homme avait gardé Woofang chez lui depuis près d’un an mais celui-ci ne pensait toujours qu’à s’enfuir; ne s’était-il donc réellement attaché à rien ? Que fallait-il donc pour lui redonner goût à la vie en société, à la liberté ?

« Pourquoi tiens-tu donc toujours à t'en aller ? D'ailleurs, pourquoi en as-tu autant après les nobles ? Oublies-tu que j'en suis ? demanda Kendrakar d’un ton attristé.

- Parce qu’ils quittent tranquillement la ville pour échapper à son siège et ils laissent crever le peuple!

- Le peuple qui ne souhaite pas combattre va être accueilli dans l’enceinte du palais.

- Si la ville est assiégée, c'est idiot!

- On évacue les nobles car ils savent où aller en-dehors de ces murs, pour faire de la place, expliqua Kendrakar. Tu sais très bien que le peuple ne risquera rien une fois à l'intérieur.

- Les pauvres n’ont pas besoin de savoir où aller. Les pauvres sont heureux avec ce qu’on leur donne. »

Kendrakar en eut assez. Il prit son disciple par les épaules et le secoua un peu en haussant le ton;

« Woofang, tu te rends compte de ce que tu dis ? »

Le garçon retrouvant la raison baissa les yeux, honteux. Encore une fois, il avait parlé sans réfléchir et encore une fois, il regrettait ses paroles.

« Désolé… »

Kendrakar se baissa et ramassa le bâton avec lequel son disciple était en train de jouer lors de son arrivée. Un sourire amusé fendit en deux le visage du rouquin qui lança à son apprenti:

« Tu te débrouilles bien, je vais avoir besoin de toi. »

Woofang ne réagit pas. Il continua :

« Va t'amuser et reviens à la tombée de la nuit, je vous ferai à tous un exposé de ce qui nous attend. »

Kendrakar tendit le bâton à Woofang.

« Tu auras besoin de ça. »

L'adolescent repoussa l'arme avec un léger dédain:

« J’en ai pas besoin. Je préfère le mien.

- Comme tu veux. »

Woofang tourna les talons. Cette fois-ci, Kendrakar ne le retint pas. Il commençait à connaître le garnement et savait qu’il reviendrait après quelques heures d'errance. Il respira un bon coup ; sa patience venait d'être mise à rude épreuve. Le reste de la journée se déroula tranquillement.

Le soir, lorsque le garçon revint, il trouva la maison étrangement silencieuse, tout comme le reste de la ville. Il n’y avait personne ; ni les enfants qui jouaient dans la cour, ni Enarlis en train de bichonner un cheval, personne dans la salle d’armes, aucun domestique ne bavardant ou ne traversant la demeure en tous sens. Tout semblait figé ; les lumières étaient éteintes à l’exception de celles du salon. Un instant, Woofang crut qu’ils étaient tous partis sans lui. Le fait d'apercevoir la pièce éclairée le rassura. Il s'y rendit, tentant d’être le plus discret possible ; il était en retard et ne voulait pas se faire remarquer. Il entra et se glissa parmi les autres sur la pointe des pieds. Il y avait là Kendrakar assis dans un fauteuil dos au jeune garçon si bien qu’il ne pouvait pas le voir, Darion l’ami daermoor de l’Aldarian, en train de jouer du luth et Daran qui regardait le plafond en écoutant la musique. Darion était plutôt grand, aux cheveux flamboyants. Il portait deux cornes vertes sur la tête et deux ailes en peau, de même couleur, dans son dos, sur lesquelles l'on pouvait voir des reflets jaunes se dessiner. Sa queue couverte d'écailles battait le tempo dans les airs. Certains assimilaient les daermoors à des démons de par leur apparence mais il n'en était rien.

Woofang resta à l’écart, profitant que personne n’eût remarqué son manquement à l’horaire. Darion, le daermoor, finit son morceau et Daran, l'aîné des fils Annavatar, un grand blond d'une vingtaine d'années au visage d'ange saisit l'occasion de demander :

« Où est Woofang ? Il fait déjà quasiment nuit… »

Les deux jeunes gens ne s’appréciaient pas particulièrement mais lorsqu’il s’agissait de faire plaisir à Kendrakar ils mettaient temporairement leurs tensions de côté. Du moins, ils essayaient. Woofang s’avança.

« Je suis là, je suis là… Je euh… je suis arrivé juste quelques secondes après que vous ayez commencé, je voulais pas déranger, mentit-il aussi honteux d'avoir fugué que d'être revenu. »

Kendrakar eut un petit rire. Ce ne fut pas le cas de Daran qui ne trouvait pas ça drôle.

« Pourquoi tu te caches comme ça ? demanda t-il en faisant la moue.

- Ben je voulais pas déranger j’te dis, insista Woofang, détournant les yeux. »

Se déplaçant en crabe, il se dirigea vers le milieu de la salle.

« Voilà, j’suis là, mais continuez hein, je vous en prie… »

Il avait l'air gêné. Lui qui ne voulait pas se faire remarquer, c'était une fois de plus raté ; Le garçon n'était pas très intelligent et ne réfléchissait que très peu. La discrétion n'était pas son fort, le pire étant peut-être qu'il ne tirait pas leçon de ses bêtises et n'hésitait pas à recommencer lorsque l'occasion se présentait.

Kendrakar l'interpella.

« Nous t’attendions, Woofang. »

L’Aldarian se redressa dans son siège et posa son verre de vin. Woofang fit une moue en réalisant enfin que sa fausse excuse n’avait fait que le plonger davantage dans l'embarras et que personne ne l’avait cru.

« Alors ? Nathalie ? s’enquit Kendrakar.

- Ca vous regarde pas, répondit l'adolescent d’un ton tranchant. »

Très discret sur ses sentiments, il n'aimait pas étaler ses histoires de coeur au grand jour. Il ne connaissait pas la jeune fille depuis très longtemps mais il prenait très au sérieux la relation qu'il entretenait avec elle. Il l'avait rencontrée dans les bas-fonds de la cité et très vite, la complicité s'était installée entre eux. Elle avait le même âge que lui. Woofang n'avait encore jamais osé la ramener à la maison et préférait aller la rejoindre que la présenter à la famille Annavatar.

« A mon avis, il n’a pas fait que parler avec sa Nathalie, railla Daran.

- Je suis pas comme toi… »

Le maître de maison sentant venir un énième conflit s'interposa :

«  Ca suffit vous deux. Demain matin l’ennemi sera devant nos murs, ce n’est pas le moment de vous chamailler.

- Et Altaïr, il fait rien, critiqua Woofang. »

L'adolescent n'avait jamais apprécié Altaïr. Il le rendait responsable de son exil forcé de Damrézor, un an auparavant. Il n'appréciait pas non plus l'autorité en général. A vrai dire, il n'appréciait pas grand chose et jugeait facilement les autres.

«  Les invoqueurs rassemblés au temple seront répartis sur les remparts, ils seront chargés en cas de percée d’aider au repli sur le deuxième anneau de la ville, continua l'Aldarian sans prêter attention aux réflexions du garçon. »

Woofang fronça les sourcils. Il n'aimait pas le temple. La religion avait une place cruciale dans la stabilité de l'empire et le jeune homme désapprouvait l'idée même d'être dirigé par un dieu ou par n'importe qui d'autre. Il haïssait Daermon autant qu'Altaïr. Paradoxalement il admirait les invoqueurs, soldats formés à la magie par le temple. L'entraînement était rigoureux et l'usage de sortilèges était régi par des règles strictes. L'adolescent avait à son arrivée rêvé un moment d'intégrer leurs rangs mais il avait vite changé d'avis en réalisant que cela le soumettrait à la fois à l'empereur et au dieu Aldarian. A la tête du culte se tenait Kendrakar mais celui-ci avait nommé Daran pour lui succéder sous peu, afin d'être en mesure d'assumer pleinement ses fonctions politiques importantes. Il avait réussi à gagner la confiance d'Altaïr et en faisait les frais en voyant sa charge de travail augmenter petit à petit. Néanmoins cela ne le dérangeait pas et beaucoup le soupçonnaient de tirer les ficelles dans l'ombre de l'empereur.

« Il préfère aller chercher des noises à quelqu’un qui lui a rien fait et ça fera encore des innocents qui vont mourir… insista Woofang.

- Altaïr a passé toute sa journée, et va encore passer toute cette nuit à organiser la défense de cette ville ! coupa Daran, défendant l’empereur.

- Altaïr, il est allé faire mumuse en Damrézor ! Même que quand il est revenu on est allés le voir et que...

- Altaïr a le don d’ubiquité et ce qu’il fait ne regarde que lui, les départagea Kendrakar. »

Il les regardait tour à tour. Woofang, qui ne pouvait décidément plus supporter Daran depuis un an qu’il se forçait, commençait à en avoir assez. Il eut un sourire mauvais.

«Parfait, dit-il. Vu que tout le monde il est beau, il est gentil et que tout le monde il est protégé, j’ai rien à faire ici. »

Il tourna les talons comme à son habitude.

« Reste ici Woofang, ordonna Kendrakar. Je vais avoir besoin de toi pour me couvrir, demain en cas de percée. Et si je devais recourir à Daermon, j’aimerais que tu veilles à ce que personne ne m’approche.

- Je suis pas un objet, répondit Woofang. On m’a pas demandé mon avis à moi. Cette guerre, je veux pas la faire.

- Tu peux toujours aller te planquer au palais, fillette, lança Daran d’un ton moqueur.

- Contrairement à toi sale enfoiré il n’y a pas qu’au palais où j’ai des amis, tu sais, ces gens qui t’aiment bien même si tu les payes pas… ah oui c’est vrai, tu connais pas.

- CA SUFFIT !! beugla Kendrakar. »

Il s’était levé. Woofang, effrayé, se tut et recula un peu. Son maître reprit.

« Ecoutez-moi bien tous les deux ! Vous êtes ici plutôt qu'avec les non-combattants pour votre valeur ! Parce que je vous fais confiance ! Et nous allons tous défendre cette cité jusqu’à notre dernier souffle pour tout ce qui nous y est cher ! Personne n’a voulu cette attaque et nous avons eu la chance inespérée d’être prévenus !

- Bof, l'ennemi peut pas être pire qu’Altaïr, répliqua Woofang. »

Il n’en dit pas plus, peu désireux de passer pour un traître à la couronne. Kendrakar le gifla violemment. Le garçon cracha par terre de mépris et se sauva en courant comme à chaque fois qu'il s'emportait. Darion, le daermoor, l’attrapa et le ramena dans la pièce, le ceinturant pour qu'il cessât de se débattre. Woofang devint silencieux et fixa le sol, rageur, envoyant des regards meurtriers à Daran, Darion et Kendrakar. Celui-ci essayait de se calmer.

« Ecoute, Woofang, dit-il de la voix la plus modérée possible. Tu ne sais rien de notre ennemie. Et si Altaïr a parfois des mouvements de colère, cette femme est froide et odieuse… Elle est capable de raser cette ville et ses habitants pour s’emparer du trône. Elle a déjà beaucoup tué pour ça.

- C’est tous les mêmes, répondit Woofang d’un ton agacé. Shadow, Altaïr, et cette femme. Ils valent pas mieux les uns que les autres.

- Tu me penses capable de jurer allégeance à quelqu’un comme Shadow ou elle ?

- T’as bien juré allégeance à Altaïr et puis votre Dieu là, Daermon, s’il aime tellement sa cité, qu’il la défende… »

Le jeune garçon se tut, il avait conscience d'être allé trop loin. Kendrakar eut l’air anormalement blessé par ces paroles. L'adolescent le sentit et ne décolla plus ses yeux du plancher, hormis pour fusiller Daran du regard. Darion intervint.

« Et il va le faire. »

Le daermoor lâcha Woofang, et continua.

« Mais pour cela il va beaucoup en coûter à Kendrakar.

- Justement, répondit Woofang d’un ton pas très assuré. Ca sert à rien. Je ferai pas cette guerre.

- Après tout ce qu’il a fait pour toi, tu devrais au moins essayer de comprendre. »

Kendrakar se rassit, las.

« Laisse-le partir Darion…

- Papa… intervint Daran. »

Woofang serra les poings ; il sentait monter ses larmes mais il ne devait pas pleurer, pas maintenant, pas devant tout le monde.

« Plus tard Daran… plus tard… répondit Kendrakar à son fils. »

Le grand blond se tut, ce fut à son tour de baisser les yeux. Darion retourna s’asseoir. Woofang ne bougeait plus ; les paroles du daermoor l’avaient atteint. Il se contentait de serrer les poings et de fixer le sol avec une seule envie : aller se cacher. Un silence pesant s’installa. Alors Darion reprit son instrument et se remit à jouer. C’était peut-être le pire instant: le calme avant la bataille. Kendrakar fit signe à Woofang de venir s’asseoir à côté de lui, définitivement incapable d’en vouloir à quelqu’un. Le jeune garçon obéit l’air honteux. Son maître lui ébouriffa les cheveux avec un léger sourire puis lui tendit un jus d’orange.

« Tu veux bien m’aider demain ? »

Woofang ne répondit pas et se contenta de tristement hocher la tête. Lorsque Darion acheva son morceau, Kendrakar leva son verre et déclara :

« Messieurs, à l’espoir de vous voir vivants tous les trois demain soir et puissent les dieux garder les loups dans les collines et les femmes dans nos lits ! »

Daran et Darion levèrent également leurs verres en entendant ce vieux proverbe païen du coin. Woofang n’y tint plus et éclata en sanglots, se cachant le visage entre les mains. Kendrakar lui passa un bras autour des épaules. Il ne dit rien pendant un moment mais cela suffit à rasséréner le jeune adolescent. Un moment, il eut l’impression de retrouver le père qu’il n’avait jamais connu.

« Je veux… Je veux pas que tu meures… Je veux pas que Darion il meure non plus… Je veux pas mourir ! s’exclama t-il.»

Il ne mentionna pas Daran, cependant celui-ci ne pouvait s’empêcher de sourire en voyant cette scène et son père consoler Woofang.

« Tu ne mourras pas je te le promets, assura Kendrakar d’un ton qui se voulait rassurant.

- Et vous ? demanda le garçon, inquiet.

- Défendre cette cité est un de mes devoirs. Beaucoup de vies dépendent de moi… La magie est mystérieuse, qui sait comment cela finira… »

La réponse de son maître ne suffit pas au garçon, qui avait besoin d'être rassuré.

«  T’as pas répondu, insista t-il.

- Je ne peux pas répondre parce que je n’en sais rien, Woofang. »

L'adolescent baissa la tête, l'air abattu.

«  …Je te protègerai pas. Je suis pas assez fort… Et je veux pas faire cette guerre… Je veux plus voir de guerre… murmura t-il.

- Si tu ne veux pas te battre, rien ne t’y oblige. »

Woofang semblait nerveux, en vérité il était terrifié. Darion chercha alors à le rassurer d’un ton calme :

« C’est normal d’avoir peur tu sais, nous avons tous aussi peur que toi… Mais la première fois il est difficile de le cacher, tu n’as pas à en avoir honte.

- J’ai pas peur ! protesta l'adolescent, peu convaincant. Et c’est pas la première fois, ajouta t-il.

- Avant le lever du Soleil je te mettrai en lieu sûr. »

Kendrakar faisait preuve d’un détachement rassurant. Woofang hésita; il pensait à Nathalie, la jeune fille dont il était amoureux depuis peu, issue des bas-fonds. Elle serait donc accueillie au palais comme le reste du peuple? Le bâtiment était au milieu de la ville, au sommet d'une colline, mais ses murs seraient-ils, en cas d'invasion, plus résistants que les anneaux de la cité?

« Et avec les personnes de ton choix, poursuivit l’Aldarian.

-Y en aurait trop. Y aura pas assez de place…

- Uniquement celles qui veulent. Je pensais surtout à Nathalie et éventuellement sa famille.

- Ils sont des milliers comme eux ! Il y aura jamais assez de place !

- Ils seront déjà en lieux sûrs. Le palais a été ouvert pour les protéger. Mais si tu veux être avec Nathalie, je ferai en sorte que vous soyez au même endroit.

- C’est pas la peine. »

Woofang se leva. Puis il se tourna vers Kendrakar, toutefois sans le regarder davantage dans les yeux. Il s’expliqua :

« Si on met vraiment les gens en sécurité, alors j’ai bien encore le temps de passer la voir.

- Elle est probablement déjà partie se mettre à l’abri. »

Kendrakar se leva à son tour, de même que Darion et Daran. Woofang soupira. Le daermoor sortit en premier, entraînant avec lui le garçon, pour laisser quelques minutes le père et le fils seuls.

« Nous vaincrons, Woofang, assura Darion. Tu n’as pas de soucis à te faire.

- C’est pas le problème… »

Le daermoor lui laissa son luth en cadeau et sortit dans la cour d'où il s’envola. Kendrakar salua Daran qui partit à cheval à l’autre bout de la ville. L’aube n’allait plus tarder. Epuisé, Woofang s’endormit sur place, le luth serré fort contre lui.

Pour d'autres, la nuit fut bien longue. Et, au loin, l'armée maléfique se rapprochait, menée par Shalmsherra, la Dame de Glace, désireuse de reprendre le pouvoir qui lui avait été retiré.

Woofang fut réveillé par son maître qui lui secouait l’épaule, ainsi que par un choc sourd  monumental qui fit trembler le sol. Il entrouvrit les yeux, grinchant un peu.

« Que fais-tu là ? s’enquit Kendrakar.

-‘Me suis endormi, marmonna le garçon. »

L’Aldarian leva la tête vers le ciel. Des projectiles commençaient à pleuvoir sur la cité.

« Viens, je t’emmène au palais. »

Woofang, encore tout endormi, accepta sans broncher. Le pan de mur de maison qui en s’effondrant les manqua de peu et l’agitation des rues ne suffirent pas à le réveiller. Kendrakar pressa le pas en tenant son disciple par le bras. Celui-ci suivait, frottant ses yeux qui refusaient de rester ouverts.

« Qu’est-ce qu'il se passe ? demanda le garçon.

- Aurais-tu oublié que nous sommes assiégés ?

- Ha…déjà…mais je veux pas aller à l’école…répondit Woofang encore dans les vappes.

- Si tu ne te réveilles pas tu vas te faire tuer ! »

Woofang secoua la tête et bailla. Les deux circulaient difficilement entre la foule qui n’avait pas encore gagné l’enceinte du palais et les troupes de soldats qui commençaient à se mettre en branle. La marée humaine était encore plus dense à l’entrée.

« Y a des gens…murmura Woofang.

- Oui…répondit son maître d'un ton légèrement agacé. »

Kendrakar  avait cependant une alternative. Après tout, n'était-il pas le grand prêtre de l'empire? Il frappa le sol de son bâton, projetant des étincelles rouges à tout va:

« PLACE ! cria t-il. »

Woofang le regardait, impressionné. Les gens s’écartèrent rapidement et les gardes reconnaissant Kendrakar leur ménagèrent un passage. Ce ne fut qu’une fois à l’intérieur que   l'Aldarian se décida enfin à lâcher son disciple.

« Bon, dit-il. Tu vas rester ici, d’accord ? Avec ton bâton au cas où. »

Woofang hocha la tête, avant de se rendre compte qu'il avait oublié son arme.

« Euh…zut…

- Woofang, soupira Kendrakar, je suis pressé. Tu arriveras bien à en trouver un autre. »

Le garçon fit la moue. Il n’aimait pas les bâtons qui ne lui appartenaient pas. Pour être à l’aise avec un tel instrument, il devait le « sentir », comme si cette arme lui « parlait ». Son bâton, il l'avait trouvé sous un amas de choses diverses et depuis il n’y avait que celui-ci qu’il acceptait d’utiliser.  C’était LE SIEN.

« Oui, sûrement…répondit-il.

- Et si ça devait mal tourner, cache-toi, d’accord ? Je te fais confiance, tu sauras quitter la ville en douce, même assiégée...

- Mais j’ai pas envie! »

L'adolescent semblait effrayé à la perspective de se retrouver séparé de son maître. Ce dernier tenait cependant à lui proposer une autre alternative :

« Tu iras toujours vers l’Est.

- Je suis pas un lâche… Je fuirai pas.

- Ecoute-moi.

- Oui ? »

Woofang leva la tête vers Kendrakar. Il avait sur le visage un air grave; l’heure tournait, il fallait se dépêcher.  Cependant, le jeune adolescent avait besoin d'entendre des explications, d'être rassuré. D'être guidé.

« Tu voudrais mourir pour Altaïr ou Daermon ? Rien ne t’oblige à mourir pour cette ville.

- Alors pourquoi m’as-tu obligé à rester avec toi ?»

Kendrakar enleva un médaillon doré qu’il portait autour du cou, représentant un dragon dans un cercle. Il le tendit à Woofang.

« Va toujours droit vers l’Est, répéta t-il.

- Il y a quoi à l’Est ?

- Des gens qui me sont loyaux.

- Et toi ?

- Je dois défendre cette ville. »

Le jeune garçon ne fut pas satisfait de la réponse de son maître. S'il devait partir, il voulait que ce fût avec lui et non seul sur une route inconnue. Il changea soudainement d'avis :

« Je reste avec vous.

- Non, Woofang, tu as dit toi-même que tu voulais venir t’abriter et que tu ne voulais pas te battre. Il est trop tard pour changer d’avis.

- J’ai pas dit que je voulais m’abriter ! »

Si l'adolescent avait horreur d'une chose, c'était bien de « passer pour un trouillard ». Il n'était pas de nature très courageuse mais préférait que cela ne se sût pas.

«  J’ai dit que je voulais pas de cette guerre ! se défendit-il.

- Ne t’inquiètes pas, moi vivant cette cité ne tombera jamais.

- Justement… »

Woofang baissa les yeux. Toujours aussi inquiet pour son maître.

« Je veux pas que tu meures…

- Ca va aller. Reste-là.

- Nan. »

Kendrakar soupira, las. Il se redressa et tourna les talons pour couper court à ces « au revoir » mais son disciple avait déjà disparu dans la foule.

« C’est pas vrai… WOOFANG !!! »

Kendrakar traversa la masse en l’appelant. Le garçon n’était pas difficile à repérer, il cherchait Nathalie et pour cela criait son nom à tue-tête. Voyant qu'il n'était pas en danger, l'Aldarian décida de le laisser là et fila vers les remparts. Il avait une mission à accomplir et ne pouvait se permettre de perdre plus de temps. Woofang après un moment finit par se décourager et s’arrêta de chercher, perdu au milieu de la foule. Les gens entraient rapidement dans l’enceinte du palais créant un véritable courant humain et le jeune homme dut prendre garde à ne pas se faire écraser. Soudain, un  tremblement de terre magistral secoua la ville. Un certain nombre de maisons ne tinrent pas le choc et s’effondrèrent. Woofang, quant à lui, mordit douloureusement la poussière.

« C’était quoi ça !?!?!? hurla t-il, paniqué, sans vraiment s’attendre à une réponse.

- Les souterrains… »

Woofang se retourna. Derrière lui se tenait Darion, le daermoor, qui l’aida à se relever.

« Nos ennemis ont tenté d’entrer en empruntant le réseau de souterrains qui serpente sous la ville, expliqua-t-il. L’empereur vient de le faire sauter... »

A présent, dehors, une cohue totale s'était installée et des cris provenant des premiers remparts parvenaient aux oreilles des deux compagnons. Ils pouvaient également voir s’élever vers le ciel une grande quantité de fumée. Woofang se tapit dans un coin et attendit; il se levait de temps en temps, se mettait à chercher désespérément Nathalie, puis revenait à sa position initiale. Cette situation dura toute la journée, jusqu’à ce qu’en fin d’après-midi, un bouclier transparent légèrement mauve vînt recouvrir la capitale, la protégeant ainsi des projectiles.

« Ils en ont mis du temps… »

Des gens tendirent un doigt vers le ciel. Woofang leva la tête afin de voir ce qui attirait ainsi leur attention.

Il s’agissait de Kendrakar, complètement seul, en lévitation au-dessus de la ville, entouré d’une aura rouge. Il maintenait le bouclier empêchant les projectiles d’atteindre la cité. Après un moment il descendit pour se poser sur les remparts.

« Maître !! s’exclama Woofang. »

Evidemment, celui-ci ne pouvait l’entendre. Le garçon se mit à courir vers les murs infranchissables. Il aperçut Altaïr arriver à cheval et rassembler rapidement les meilleurs combattants qu’il trouva pour « couvrir Messire Annavatar ». Le jeune garçon ne put s’empêcher de tiquer en entendant l’empereur; il ne le supportait pas. Cependant celui-ci ne le remarqua pas et repartit au galop vers les remparts.

« Altaïr !!! Attends !! Emmène-moi ! »

Woofang tenta de le rattraper mais l'empereur ne l’entendait pas.  Ce dernier n’était toutefois pas très rapide car il devait rabattre sur les côtés les masses de monde qui se trouvaient sur son chemin. Il se dirigea vers le deuxième anneau où Kendrakar était en train de maintenir un autre bouclier à la place de la grande porte pour arrêter les flèches ennemies. Visiblement, tout le monde se repliait derrière ce rempart-ci. Il n’y avait plus que des soldats si près des combats. Woofang finit par arriver auprès de son maître. Bien entendu, Altaïr s'y trouvait déjà.

« Qu’est-ce que tu fais là toi ? interrogea t-il. »

Woofang ne lui répondit pas. Il se fichait royalement du protocole, après tout c’était de la faute d’Altaïr s’il était là; rien ne serait arrivé s'il ne l’avait enlevé de Damrézor. Une année entière s'était écoulée depuis que le jeune adolescent avait été placé chez son maître et il ne s'était toujours pas fait à cette idée, ne parlant depuis lors plus que de rentrer « chez lui », plus par peur et esprit de contradiction que par réelle envie.

« Maître, tu vas bien ? demanda t-il à Kendrakar, l’air inquiet. »

Alors que les soldats se mirent à réparer la porte, l'Aldarian lâcha son poste pour souffler, appuyé aux pieds des remparts, les mains sur ses genoux. Il ne répondit pas à son disciple. Altaïr descendit de son cheval.

« Fiche le camp Woofang ! C’est trop dangereux ici ! hurla t-il.

- Je m’en fiche ! Aide-le ! »

Kendrakar releva la tête. Ses yeux verts étaient devenus bleus, sa manière de regarder, l’air sur son visage; tout était maintenant différent. Il se redressa, toisant Woofang d’un air tendant au mépris, puis s’adressa à Altaïr. Le garçon comprit alors ce qu'il venait de se passer: Kendrakar avait fait appel à Daermon, le dieu Aldarian, et celui-ci s’était servi de son corps pour agir. Evidemment, ce n'était pas là une prouesse à la portée de tous: seuls quelques rares élus avaient cet honneur et il leur en coûtait généralement beaucoup. Kendrakar n'était pas en reste.

« Le bouclier m’en demande trop, annonça l'avatar divin. Je vais devoir espacer mes interventions.

- Si nous sommes débordés ici, c’est la fin de cette ville ! protesta Altaïr. »

Kendrakar regarda Woofang et un sourire effleura ses lèvres; il était redevenu lui-même.

« Alors je vais intervenir une dernière fois… »

L’Aldarian enjamba les remparts d’un saut impressionnant. Il s’en suivit un énorme bruit et pas mal de lumière. Altaïr donna ses ordres.

« Ouvrez la porte ! Reprenez le premier anneau !

- Mais… c’est n’importe quoi ! s’exclama Woofang. »

Les soldats obéirent alors que toute trace de Kendrakar avait disparu.

« Maître !? »

Woofang se tourna vers Altaïr.

« Où il est ?! »

Dans la ville, les combats s’engagèrent. La lutte urbaine se faisait surtout avec des flèches.

« Sûrement caché…répondit Altaïr.

- C’est pas un lâche !

- Il a besoin de récupérer. »

Woofang avança vers l’empereur, furieux, et le pointa du doigt, l’air menaçant.

« Tout ça c’est votre faute ! hurla t-il. »

Altaïr répondit par un air à faire peur et l’attrapa par le col. Woofang lui jeta un regard assassin. L’empereur le souleva de terre.

« ASSEZ ! cria soudain Kendrakar, qui était revenu. »

Woofang eut l’air surpris et aussitôt baissa les yeux. Altaïr le lâcha. Le garçon cracha parterre.

« Ca suffit Woofang ! »

L'empereur tourna les talons sans y prêter davantage d'intérêt, il avait plus grave à penser. Woofang porta son attention à Kendrakar, lequel se mit à le sermonner, à juste titre:

« Je ne me suis pas donné tant de mal à t’apprendre les bonnes manières pour que tu sois exécuté pour insulte à l’empereur !

- Mais c’est lui ! Il les mérit…

- TAIS-TOI ! »

Woofang obéit immédiatement; Kendrakar s’énervait rarement et lorsque cela arrivait, il savait se montrer terrifiant. Le garçon trouva tout d’un coup le sol très intéressant.

« Tu ne sais rien de ce qui se passe ici, lâcha Kendrakar. Alors arrête ! Encore une fois, tu m’as désobéi. »

Le disciple Annavatar ne relevait toujours pas la tête mais cette fois ce n’était pas parce qu’il avait honte. Il était en colère. Il en voulait au monde entier. A Shadow, à Altaïr. A tous.

« Tu dois comprendre que tout cela n’est pas un jeu Woofang ! Dans ce genre de combat on ne se relève pas ! Maintenant tu files au pal… »

Kendrakar se retourna subitement, poussant son disciple quelques mètres plus loin. Tout se passa très vite.  Deux flèches vinrent heurter le grand prêtre de plein fouet.

« Maître ! »

L’Aldarian lança un sort pour contrer, mais trois autres flèches vinrent l’achever. Woofang regarda au tour de lui, hagard; il ne croyait pas ce qu’il était en train de voir, ne réalisait pas ce qu’il était en train de se passer. Pourtant tout était réel : Kendrakar venait de se faire gravement toucher et s'était effondré.

« Nan ! Nan c’est pas vrai, nan ! »

Woofang courut rattraper son maître avant qu’il ne s’écrasât au sol. Il fut légèrement déséquilibré par son poids mais y parvint. A ce moment-là, Darion surgit et décapita d’un geste rageur les tireurs ennemis. Kendrakar avait les yeux ouverts et gisait inconscient. Woofang leva son regard sur le daermoor, implorant. Il ne savait pas quoi faire, complètement perdu, et la terreur s'était emparée de son être.

« Il faut l’aider, supplia t-il inutilement. »

Darion approcha rapidement mais son regard en disait long. Il allongea Kendrakar sur le dos afin de mieux l'examiner.

« Qu’est-ce qu’il a ? demanda Woofang paniqué. Il…il est mort ?

- Il faut l’emmener au palais… Où est Shin-ru ? »

Shin-ru était une chimère, une créature d'un autre plan, liée à Kendrakar; c'était une sorte de dragon qui aimait à jouer le rôle de chien de la maison ou encore de nounou pour les enfants. Le jeune garçon était loin de se douter des réelles capacités de la bête, bien plus terrifiantes que celles des Mangeurs Jaunes qui semaient la terreur dans les souterrains de Damrézor.

« J’en sais rien, répondit Woofang. Je l’ai pas vu. »

Darion ferma les yeux de Kendrakar.

« Qu’est-ce que tu fais ici toi ? interrogea-t-il ensuite avec une note de reproche dans la voix.

- Que je sois ici ou ailleurs, qu’est-ce que ça change ? »

Le daermoor prit l’Aldarian dans ses bras. Il posa son regard sur Woofang. « Il aurait vu les flèches arriver s’il n’avait pas été occupé une fois de plus à te faire la leçon », se retint-il de dire.  L’adolescent se gardait quant à lui de pleurer ; Darion avait conservé le silence mais lui-même pensait la même chose. Le daermoor  regagna le palais au pas de course, Woofang suivant tant bien que mal. On fit allonger Kendrakar sur un lit, non loin de là où se tenaient les autres blessés de la journée. L’adolescent les observa les uns après les autres un court instant, atterré par l'ampleur des dégâts, puis  reporta son attention sur son maître, se demandant s’il était possible de le ressusciter, le voyant déjà mort et enterré. Après tout, il avait vu Shadow ramener tellement de monde, qu'il était persuadé que cela devait être faisable.

« Tu vas m’aider, annonça Darion, faisant reprendre ses esprits à Woofang.

- Comment ? J’y connais pas grand-chose en médecine… »

Le daermoor retira sèchement les flèches du corps de Kendrakar, faisant gicler le sang  en des gerbes rouges. Il prit la main de Woofang, et lui en posa la paume à un endroit précis.

« Contente-toi d’appuyer là, dit-il. »

Woofang obéit. Son maître n’eut cependant toujours aucune réaction. Darion pansa les blessures, combattant l’hémorragie pendant bien une demi-heure et prit son pouls.

« Ce n’est pas normal…murmura le daermoor.

- Quoi ?

- Le cœur bat toujours…mais il n'a aucune réaction

- Ce qui veut dire?

- Que soit son cœur ne bat que par mes stimulations et qu’il va nous lâcher d’une seconde à l’autre, soit qu’il est dans un coma assez profond pour l’empêcher de sentir qu’on lui arrache un bout de poumon avec une flèche. Il ne peut mourir tant que Shin-ru est en vie, je pencherais donc plutôt pour la deuxième solution.

- S’il meurt quand même… est-ce qu’on peut le ramener ? »

Darion secoua la tête.

« Kendrakar a déjà été ramené. On n’a pas le droit à trois chances. »

Le daermoor soupira et s’essuya les mains.

« Rah ! On peut ramener les gens ! Autant de fois qu’on veut ! insista Woofang.

- Ecoute…Kendrakar est immortel; dois-je te rappeler qu'il est lié à une chimère? Tant que son dragon n’est pas mort, lui ne mourra pas. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il peut rester à vie dans cet état…

- NAN !

- Pour l’instant, il faut à tout prix trouver Shin-ru. »

Woofang se leva brusquement, suscitant une réaction de Darion :

« Eh, doucement… Ils partagent leurs douleurs, Shin-ru doit être caché quelque part.

- Je le trouverai.

- Cherche le petit dragon noir, mais fais attention. S’il t’arrive quelque chose, il est capable de se réveiller juste pour me coller une raclée, plaisanta le daermoor en désignant Kendrakar. Alors sois prudent. »

Le garçon posa ses yeux tristes sur son maître inconscient et après un long soupir désespéré recommença à s'apitoyer sur son sort :

« Qu’est-ce que j’ai à perdre de toute manière…

- Cela ne t’a donc rien appris ? Après la façon dont tu l’as traité, Kendrakar est « mort » pour toi, alors cesse de te moquer de ta vie ainsi !

- C’est pas vrai… Et puis c’est la faute à Altaïr ! Tout est de SA faute ! »

Darion regarda Kendrakar. Woofang qui n’y tenait plus, explosa de rage; il avait besoin de se lâcher, de se défouler, et ce fut sur le daermoor qu'il reporta sa colère.

« C’est à cause de lui que je suis dans SON monde pourri, que je subis SA guerre, que j’ai perdu MA maison, MA famille ! Je le déteste ! Je préférais encore Shadow… »

Darion ne répondit pas. Une larme se détacha de ses yeux pour tomber sur le lit. Il couvrit Kendrakar entièrement, laissant seulement dépasser la tête; il n’était pas encore mort.

« Et toi… continua Woofang. Toi, j’te préviens que si t’arrives pas à le sauver… je te tue ! et je tue Altaïr ! Et si Kendrakar meurt, je le ramènerai ! J’irai jusqu’aux neuf enfers s’il le faut, mais je le ramènerai ! »

Il se défoulait et cela lui faisait du bien. Il tourna les talons, décidé à trouver Shin-ru.

« Cesse de cracher ton venin et dépêche-toi d’aller le chercher. Je dois écrire à la femme de Kendrakar.

- Tu saurais pas vers où je pourrais aller voir ?

- Le long des remparts intérieurs. »

Woofang hocha la tête.

« Sa femme non plus, je l’aime pas, ajouta t-il.

- Mais c’est toi qui aurais dû crever à sa place ! s’écria soudain Darion, dans un rugissement qui provoqua un silence monstre dans l’infirmerie. »

Le daermoor regretta aussitôt ses paroles, mais le mal était fait; Woofang se retourna.

« Très bien ! T’as qu’à le retrouver tout seul ton Shin-ru ! Moi je rentre chez moi ! Et comme ça, t’auras ce que tu veux !

- Je ne le pensais pas… »

Woofang arracha le collier que Kendrakar lui avait donné. Il le jeta à terre et s'en alla à pas rapides, hors de lui. Il fut cependant arrêté avant d'atteindre la porte:

« Je me doutais bien que tu saisirais le premier prétexte pour le laisser tomber… commença Darion que les fugues et les colères incessantes du jeune adolescent commençaient à agacer.

- Je le laisse pas tomber ! »

Le daermoor ramassa le collier.

« Si.

- Non.

- Je ne pourrai pas le sauver sans Shin-ru. Alors va le chercher. Le plus important pour l’instant, c’est de le tirer d’affaire, peu importe le reste.

- C’est pas pour toi que je le fais. Et c’est la dernière chose que je ferai pour lui. »

Woofang tourna les talons et sortit en claquant la porte, en quête du dragon. Il arpenta les rues isolées à la recherche de la chimère qui demeurait introuvable.

« SHIN-RU !!! »

Il l’appela ainsi pendant deux bonnes heures, sans aucun résultat, restant à couvert au cas où.

« Ils l’ont retrouvé ton Shin-ru. »

Woofang se retourna.

« Qui est là ? »

Le cavalier, qui avait arrêté sa monture pour parler, était familier au jeune garçon. Il l’avait déjà aperçu plusieurs fois chez Kendrakar: l'homme n’était autre que le gendre de son maître, marié à dame Aria. William. Il s’appelait William.

« Comment ça ils l’ont trouvé ? voulut savoir Woofang.

- Ils l’ont trouvé et ramené à l’infirmerie, ne reste pas là !

- Et…Kendrakar va mieux ?

- Non.

-…

- File maintenant, ne reste pas là, c’est dangereux ! »

Woofang haussa les épaules. Les paroles de Darion l’avaient fortement marqué et il ne s’en remettait toujours pas. Il avait envie de pleurer, il avait envie de disparaître, il se haïssait, haïssait ce qu’il était. En cet instant, il eût préféré n’avoir jamais existé.

« Que je reste là ou que je sois ailleurs, qu’est-ce que ça change de toutes façons…siffla t-il.

- Tu es à portée de trébuchet ici, la nuit va tomber et les projectiles incendiaires vont recommencer à pleuvoir.

- Mais vous, vous devriez vous dépêcher. »

Le cheval se cabra soudain mais heureusement, William le tenait bien. Il avait l'habitude et faisait un excellent cavalier.

« Tu es sous la protection de Kendrakar, non ? Alors FILE ! ordonna t-il à Woofang. »

Le garçon prit peur et déguerpit pour se cacher dans une ruelle, ne sachant où aller et se sentant trop coupable pour retourner à l’infirmerie ou à la maison. Il resta sans bouger. Après un moment, alors que la nuit était déjà tombée depuis longtemps et que des affrontements se faisaient entendre depuis un petit bout de temps déjà, près de lui, la voix de Darion le fit sursauter.

« Woofang ! Qu’est-ce que tu fais là ?

- Rien, répondit sèchement Woofang, encore blessé par ses paroles de tout à l’heure.

- Seigneur… »

Darion l’attrapa par un bras et le sortit de sa cachette. Le jeune garçon avait les yeux rougis en raison des nombreuses larmes qu'il avait versées et tentait tant bien que mal de le cacher. Le daermoor avait quant à lui l’air inquiet et le regardait d’un air doux pour le rassurer. Il trouvait toujours le temps pour la gentillesse, même au milieu d’une bataille.

« Pourquoi n’es-tu pas auprès de Kendrakar ? s'enquit-il.

- Et toi, pourquoi tu le soignes pas ? répliqua le garçon.

- Je ne peux rien faire de plus Woofang. Crois-moi que si je pouvais entreprendre quoi que ce soit de plus, je l’aurais fait. Sèche tes larmes, garde-les pour pleurer les morts victorieux de cette bataille.

- Je pleurais pas ! se défendit le garçon. »

Darion sourit. Il souleva l'adolescent de terre pour le prendre dans ses bras, chose aisée; le disciple Annavatar avait une taille en-dessous de la moyenne alors que lui-même, comme tout daermoor digne de ce nom, avoisinait les deux mètres.

« Allez, accroche-toi. »

D'un bond, Darion s'envola. Woofang ferma les yeux; il n’aimait pas voler, les hauteurs lui faisaient peur et ce, depuis sa naissance.''


Si vous me le permettez, nous allons marquer une petite pause pour revenir sur certains faits antérieurs à cette histoire qu'il est utile de savoir. Woofang était un perdant, il n'a jamais rien su faire d'utile de sa vie – et c'est à ses proches qu'il doit tout. Nous avons déjà pu voir qu'il a été adopté par Kendrakar – mais je vais maintenant m'attarder sur ce qu'il avait été avant. Non pas que sa vie en elle-même soit particulièrement intéressante mais cela me permettra de vous décrire quelques aspects du monde d'où je viens.

Le royaume de Damrézor est entièrement recouvert de forêts et sa végétation devient tropicale à mesure que l'on descend vers le sud. L'humidité à certains endroits ne permet pas la vie. Les villages sont rares et seuls quelques uns sont « civilisés. » Les autres ne sont que des indigènes. Une seule ville fait exception à la règle – ville qui a donné son nom au royaume. Je ne sais pas si c'est encore le cas – je n'y suis pas retourné depuis.

A cette époque la magie était maîtresse et les royaumes étaient gouvernés par  des rois eux-mêmes dépendants du pouvoir du haut conseil des mages. Quatre écoles se disputaient les futurs maîtres du monde. On retrouvait en Damrézor l'une de ces écoles – la moins sérieuse de toutes et la plus contestée. Tout se passait dans une des tours les plus hautes jamais construites, sans doute la seule chose remarquable que l'on pouvait trouver dans le royaume. La femme à la tête de tout était Shadow – dont nous avons déjà parlé. Elle achetait les enfants des familles les plus pauvres en échange de terres cultivables qu'elle s'était appropriées et les éduquait pour en faire de parfaits soldats adhérents à sa cause – la domination du monde. Atteinte de mégalomanie certaine, elle n'avait d'égard pour personne et traitait les enfants comme des esclaves, les menaçant de servir de nourriture aux bêtes féroces qu'elle élevait dans les souterrains de l'édifice. Quelques rares élus avaient droit à quelques privilèges – comme par exemple, Woofang. Il était alors chargé de garder les portes de l'école, veiller à ce qu'elles soient bien fermées la nuit et à ce que le sceau de verrouillage soit toujours activé. Je vous avais parlé plus tôt d'Altaïr, l'empereur d'Aldaria et de la relation conflictuelle qu'il avait avec Shadow. Il réussit un jour à défaire le sceau de fermeture et pénétrer dans la tour, mettant par la même occasion en danger la vie de Woofang qui avait failli à sa tâche de gardien.

Ayant le sens de la compassion, Altaïr consentit à sauver le jeune adolescent de la colère de sa cruelle maîtresse et l'enleva pour le ramener avec lui en Aldaria. Evidemment, le jeune homme lui en voulut et se révéla de très mauvais caractère. L'empereur le confia alors à son premier ministre, Kendrakar Annavatar, l'un des plus admirables requins que j'aie pu rencontrer jusqu'à présent. Un grand homme, il faut bien l'avouer. Bien sûr je ne vous dit pas tout sur les origines de ce gamin insolent, il faut bien garder un peu de mystère, pas vrai ? Mais revenons-en à l'histoire, si vous le voulez bien.


''Woofang n'aimait pas voler, peut-être parce que Shadow avait la mauvaise habitude de punir les enfants de son 'école' en les suspendant à l’un des balcons les plus hauts de sa tour. Après quelques battements d’ailes, le daermoor redescendit pour toucher terre et poser Woofang dans  l’enceinte du palais, là où se trouvaient les autres réfugiés.

« Ça fait près de vingt-quatre heures que tu n’as pas dormi Woofang. Reste ici et dors.

- J’y arriverai pas…

- Bien sûr que si, dis-toi que quand tu te réveilleras nous aurons gagné. »

Woofang, peu convaincu et encore attristé des paroles du médecin, baissa la tête et murmura, sur le ton de la confession :

« Je veux pas me réveiller… Tu l’as dit toi-même… J’aurais dû mourir à sa place!

- Je ne le pensais pas, et Kendrakar non plus, cesse de te tourmenter.

- Si tu l’as dit, c’est que ça t’es venu à l’esprit.

- Ça m’apprendra à parler sous le coup de la colère, soupira Darion. Pourras-tu me pardonner ? »

Woofang ne savait plus quoi penser, perdu. Il se contenta de hausser les épaules et de répondre avec nonchalance :

« J’ai rien à pardonner. T’avais raison… Si j’avais pas été aussi bête, il ne lui serait rien arrivé…

- Arrête de penser à ça, regarde vers l’Ouest et garde espoir, demain soir nous serons sauvés.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

- Un pressentiment. Et rappelle-toi que ce que l’on fait dans sa vie résonne dans l’éternité. »

Darion se redressa et ébouriffa les cheveux du garçon qui se recoiffa en fronçant les sourcils ; il n'appréciait pas ce genre de geste.

« Je m’en fiche de l’éternité, grommela t-il. »

Le daermoor restait souriant malgré tout mais trouva qu'il était temps de mettre fin à la discussion. Il s’approcha du jeune adolescent et le frappa à l'arrière du crâne, juste ce qu’il fallut pour l’assommer. Woofang perdit immédiatement connaissance.

Lorsqu’il se réveilla, il faisait jour et un vacarme monstrueux venait agresser ses oreilles. Il se redressa d'un bond.

« C’est quoi ce bruit… »

Il sortit et vit des gens monter sur l’enceinte du palais pour observer le champ de bataille. On pouvait entendre des clameurs et des cris de joie de la part des réfugiés. Woofang les rejoignit, encore un peu endormi, revigoré par la bonne nuit de sommeil qu’il venait de passer. Sur le champ de bataille, des renforts en bon nombre semblaient être arrivés de l’Ouest et avaient balayé les positions arrière de l’ennemi, permettant ainsi aux Aldarians de les refouler. Bien qu’il n’aimât pas l’Empire, Woofang était tout de même content d’assister à pareille scène. Il mit un certain temps à remarquer que les renforts étaient du peuple de Shael; cela se reconnaissait à leurs oreilles pointues et leurs longs cheveux souvent blonds. Les avis allaient bon train autour de lui. Le combat n’était cependant pas fini pour autant ; dès que les machines ennemies furent brisées, les dragons domptés des archanges – garde d'élite aérienne - reprirent possession des airs, causant des dégâts énormes.

Au loin, deux énormes lueurs semblaient s’affronter, l’une bleue, l’autre rouge. Woofang n’était pas très rassuré par les créatures des airs; un jet de flammes était vite lâché et une telle bestiole, vite affamée.

Soudain, la lueur rouge tomba au sol. Le garçon se demanda de qui il pouvait bien s’agir. La lueur bleue, l’ennemie, explosa soudain, frappée à mort, et l’onde de choc en fit tomber plus d’un de son perchoir. Woofang lui-même manqua de chuter, l'esprit embrouillé. Les clameurs redoublèrent d’intensité.

En face, les ennemis subissaient la débâcle et ici, on hurlait à la victoire. Ainsi en fut-il fini de la Dame de glace.

« On…on a gagné ? demanda Woofang incrédule. Darion avait raison… »

Le garçon grimpa sur le rempart et hurla une belle insulte de chez lui à l’attention de l’ennemi défait, le poing levé. Aux cris de joie succédèrent le son des cors et les rugissements des dragons. Lorsque l’armée pénétra en ville, les gens acclamèrent les combattants. L’euphorie de la victoire avant le deuil. En tête chevauchait un homme impressionnant tant par sa taille que par sa manière de se tenir, droit, noble et fier, un regard bleu et vif éclairant un visage sérieux, encadré par de longs cheveux blonds d'où dépassaient ses oreilles en pointe.

Woofang regarda passer l’armée, toutefois bien trop préoccupé par le sort de son maître pour partager la gaieté générale.

Vint le temps des morts. Les gens entreprirent d'aller les chercher; les corps s'étalaient à perte de vue devant la ville. Woofang eut un haut-le-cœur lorsqu'il vit une dépouille de près et n’osa pas retourner à l’infirmerie. Il se dirigea vers l'extérieur de la ville, où avait eu lieu la bataille. Il aperçut alors William au milieu du champ de cadavres, à cheval, commençant à coordonner le nettoyage pour ne pas attirer les charognards et épargner à la population une éventuelle épidémie. Le soldat le vit également et s’approcha de lui. Il avait tout sauf l’air joyeux.

« Tu n’as rien à faire ici, reprocha t-il durement à l'adolescent.»

Woofang hocha la tête et s’excusa:

« Je… j’ai pas fait exprès… je voulais juste voir...

- Grimpe, je te ramène auprès de Kendrakar; il n’apprécierait pas de perdre encore un membre de sa maison. »

William tendit la main au garçon pour le faire monter en croupe. Woofang tilta.

« Encore un ? Comment ça « encore » ?

- Tu n’es pas au courant? Darion est mort. »

La nouvelle foudroya littéralement le garçon; Darion cet être bienveillant, Darion et son luth qui ne jouerait plus, cet homme qui la veille encore avait daigné s'occuper de lui malgré son mauvais caractère. Ce daermoor qui avait toujours quelque chose d'intéressant à raconter, toujours prêt à aider les autres, à mettre son savoir à profit. Il n'était plus.

« Nan ! C’est pas vrai ! s'écria Woofang comme si ses cris avaient pu changer les choses.

- J’aimerais pouvoir te mentir, répondit William.

- M…mais faut le ressusciter ! Il peut pas être mort !

- Woofang …  les daermoors ne peuvent être ramenés… il est retourné au près de Daermon et de celle qu’il a aimé. Viens maintenant. »

Le garçon sous le choc n'était pas décidé à admettre la disparition de son ami. Refusant de suivre, il insista :

«  On peut les ramener !

- Non, on ne peut pas.

- Il suffit juste de quelqu’un d’assez puissant pour le faire ! insista Woofang, poings serrés.

- Darion est tombé au champ d’honneur et c’est bien comme ça. Tu le couvrirais de honte à le ramener en tant que liche ! Maintenant, monte sur ce cheval. »

Woofang qui avait encore du mal à réaliser jeta un oeil à la monture, hésitant.

«  …Pour aller où ? demanda t-il.

- Tu veux attraper la peste à traîner au milieu des cadavres ? Je te ramène auprès de l’entourage de Kendrakar, tu en fais partie non ? »

Le garçon baissa les yeux et recula.

« Je peux pas…

- Et pourquoi donc ? demanda William.

- C’est ma faute… je me sens pas capable de le regarder…

- Tous ces morts ne sont la faute que d’une seule personne. »

Le cavalier mit pied à terre.

« Et elle a payé pour ses crimes, désormais, nous ne craignons plus rien. Viens, si tu y tiens, allons voir Darion. »

William emmena gentiment Woofang vers le temple, à pied. Le jeune garçon suivait en silence, la tête basse. Il ne connaissait pas assez le seigneur Rodarhim pour l’apprécier et malgré sa compagnie il se sentait bien seul. Puis il le vit. Darion.

Il était là, étendu sur le dos, comme plusieurs de ses congénères, le visage serein. Au vu des blessures, il était laissé à penser qu’une épée lui avait transpercé le cœur pour pointer dans son dos, mais des marques supplémentaires sur ses ailes broyées, étranges, indiquaient tout autre chose. Woofang baissa les yeux, incapable de supporter plus longtemps pareil spectacle. William soupira,  lui posa une main sur l’épaule et s’éloigna. Le garçon ne dit rien. Il priait, à sa manière, ces dieux qu’il avait toujours reniés. Il ne priait pas spécialement Daermon, mais il demandait à tous ceux qui pourraient l’entendre de prendre soin de Darion.

Dans un autre coin de la grande salle Daran se trouvait complètement en larmes, un état qui ne lui ressemblait pas. Mais lorsqu'après avoir fini sa prière d’un vague signe avec ses mains Woofang l’aperçut, il fit semblant de ne pas le voir, fixant toute son attention sur le défunt daermoor. Il se sentait bien trop coupable pour aller parler à son frère adoptif et le voir ainsi ne faisait qu’augmenter son sentiment de malaise et de solitude.''


Je me suis toujours amusé de voir combien les gens sont aveugles. Ils ne se rendent compte de la valeur de quelqu'un ou de quelque chose qu'une fois qu'ils l'ont perdu. Je n'ai jamais vraiment compris – comment peut-on s'attacher à qui que ce soit ? Il est vrai que cela m'est arrivé l'une ou l'autre fois mais ne possédant pas la faiblesse des humains ça n'a jamais duré assez longtemps pour causer ma perte. En ce temps là je me souviens m'être attristé que le siège n'ait pas duré plus longtemps et fait plus de dégâts. Toutefois je ne suis pas de ceux qui s'apitoient sur leur sort. On dit souvent qu'à quelque chose malheur est bon – cela s'est avéré vrai, les choses ont tourné de manière beaucoup plus intéressante.


Je sais que vous n'attendez qu'une chose, moi, ma gloire, ma grandeur, ma présence incontournable dans ce qui va suivre mais je crains qu'il ne vous faille encore un peu attendre, ce n'est pas ma biographie que je suis en train d'écrire mais bel et bien l'Histoire, celle qui peu à peu se perd et ennuie les écoliers. Rassurez-vous, vous ne serez pas interrogés, pas notés. Vous augmentez simplement votre chance d'être épargnés – et vous en aurez besoin. Je ne suis pas devin, mais peut-être comprendrez-vous avec le temps que votre vie est en danger. D'ici peu, les choses seront amenées à changer et ce de manière radicale. Soyez prêts. Imprégnez-vous de ce passé qui sera votre avenir. Si vous vous demandez encore de quoi je parle, ce n'est pas grave. Oubliez. Il y a encore tellement à lire avant, que vous aurez le temps de le voir venir. Et puis si je vous disais tout maintenant, vous ne comprendriez pas. Vous n'en savez pas encore assez – oui, je vous traite comme des ignorants. Je vous méprise autant que vous m'aimez. Parce que vous m'aimez, vous ne seriez pas là sinon. Vous êtes tombé sur cet écrit par hasard ? Allons, braves gens, le hasard n'existe pas, vous devriez être bien placés pour le savoir pourtant.


Et toi, là, qui me maudis, parce que je fais traîner les choses alors que tu réclames la suite, que j'ai cassé cette ambiance de deuils par quelques remarques désobligeantes, cesse donc d'enrager ; tu auras bien l'occasion de pleurer plus tard, lorsque tu seras condamné à vivre dans la misère la plus totale parce que tu n'auras pas été un bon citoyen. Parce que ton dieu t'aura renié. Mon but n'est pas d'écrire une tragédie. Séchez vos larmes. Ou bien suppliez-moi et peut-être que je vous donnerai, plus tard, l'occasion de pleurer. J'aime être supplié. Désiré. Je sais que vous me désirez.


Assez perdu de temps, car il n'en reste plus tant que ça lorsque l'on sait tout ce qu'il reste encore à faire. C'est pour vous que je le fais. Moi je n'ai rien à me reprocher, ce n'est pas mon âme qui est en danger mais bel et bien la vôtre. Je suis généreux n'est-ce pas ? Vous me le rendrez en temps voulu. Vous pensez que je divague ? Vous ne voyez pas encore de quoi je cherche à vous parler, n'est-ce pas... Vous êtes bien installé dans votre appartement, en écoutant la télévision d'une oreille distraite annoncer quelques problèmes de sécurité publique un peu à l'est de Dar-him. Un laboratoire a explosé suite à un acte de malveillance. On a découvert de nouvelles ruines dans le désert Mennronrien. Il fera beau demain. Rien à signaler en Mélorie. Les tensions se sont calmées dans le Nord. Le gouvernement Aldarian tient à merveille ses affaires secrètes. Mais dites-vous que si vous n'en savez encore rien, au moins vous serez en mesure de comprendre le moment venu. Une chose demeure cependant immuable : le passé finit toujours par se répéter. Méditez là-dessus.


Mais n'en oubliez pas pour autant le fil de l'histoire, reprenons donc avant qu'il ne fasse nuit – je ne vous l'ai pas dit ? Ce soir, suite à un acte de malveillance, tous les quartiers de Dar-him seront privés d'électricité pendant plusieurs heures. Si vous êtes d'ailleurs, cela ne vous concerne pas. Pour le moment.

22 avril 2008

Prologue



Il est toujours intéressant de se rendre compte combien un passé peut vous rattraper, vous tourmenter, vous torturer de telle sorte que, malgré tout ce que vous avez pu faire de votre vivant – ou de votre mourant – vient un moment où le besoin se fait ressentir de tout coucher sur le papier. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un moyen de me faire pardonner mes crimes, une confession intime dont tous les médias raffoleront. Vous savez comment ça marche. On est cruel, abominable, troquant le nom d'homme pour celui de monstre et puis, vient un temps où l'on perd en puissance, où le prédateur que l'on était devient proie. Affaibli, on se retrouve menacé. C'est alors le moment de ruser, de faire profil bas, de courir après d'imaginaires circonstances atténuantes. Folie, maladie, tant de fléaux auxquels on demande un dernier service. Il s'agit ensuite de convaincre. Alors on écrit, on décrit et on décrie tout ce que l'on a bien pu faire. Par-ci par-là, on glisse quelques « pardon » hypocrites comme si le mot seul suffisait a laver une âme de tous ses péchés. Le but est de faire pitié, d'attirer la compassion. De se faire bien voir par le fait même d'avouer ses fautes. Et surtout, ça fait vendre. De nos jours l'argent a remplacé l'honneur. Faisant partie de ceux à qui ça profite, je ne m'en plains pas. Un vieil adage dit que ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers. Voilà pourquoi après trois millénaires je me trouve toujours parmi vous – et sans doute, je partirai le dernier.


Il est vrai que je me targue un peu facilement d'être le pire – ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai simplement su vendre mon âme au bon moment à une époque ou c'étaient encore les dieux qui régnaient sur le monde. A vrai dire, je me fiche de ce que je peux bien être – j'ai déjà été tellement de choses. Je ne compte plus les apparences que j'ai pu revêtir, les époques que j'ai pu traverser, les noms que j'ai pu prendre : seul mon nom d'origine a conservé son importance pour moi, dernière trace de mon identité d'antan à l'heure ou la mémoire commence à me faire défaut.

 

Appelez-moi altesse. J'ai été prince avant d'être Homme. Seigneur Loïc. Maître du quatrième cercle des enfers. Pour un temps révolu aujourd'hui. Mesdames, messieurs, mesdemoiselles, cessons de perdre notre temps – et venons-en directement au fait. Mon histoire – votre Histoire. Lorsque je suis enfin apparu sur le continent Aldarian. En ce temps j'étais jeune, arrogant, avide de Pouvoir et de méfaits. J'avais la tête remplie de plans diaboliques mais pas encore assez d'influence pour les mettre en application. Cette influence, ce n'était certainement pas chez moi que j'allais la trouver ; je n'étais qu'un petit jeune dans une grande fratrie de démons sanguinaires et sans pitié.

 

Cette histoire là ne figure pas dans vos manuels d'école. Toutefois, si vous faites partie des millions de touristes qui ont déjà eu l'occasion de visiter le Musée Impérial de Dar-him, vous trouverez certains passages familiers. Les portraits des têtes couronnées vous reviendront en mémoire – alors vous pourrez vivre mon récit comme si vous y aviez été.

 

Commençons, si vous le voulez bien. Je ne suis pas présent dans les premiers chapitres – ne vous en étonnez pas. J'ai mis du temps à intervenir. Pour être tout à fait honnête, tout ce qui se déroule avant mon apparition a été écrit par mon cher ami Erwan, éternel nostalgique de cette époque perdue. Lui-même s'est inspiré de ce que l'un de ses meilleurs amis, William Rodarhim, lui a conté.

 

Pour ceux qui auraient séché leurs cours d'Histoire, je vais replacer les choses dans leur contexte. Il faut savoir qu'il existe d'autres mondes à côté du nôtre – je me répète mais il ne faut pas négliger ce détail qui risque de vous perdre à plusieurs reprise. Le monde d'Altorie – celui d'où je viens - et le monde d'Aldaria – celui où nous sommes - ont toujours été très proches – et passer de l'un à l'autre était facile pour qui en connaissait l'existence.


Cela faisait un moment que j'avais trouvé mes cibles et que je les observais, que je les étudiais. Je connaissais leurs faiblesses. Je savais leur folie.


Il était une femme qui s'ennuyait dans sa tour de Damrézor, royaume d'Altorie. Depuis deux siècles qu'elle y était, le fait qu'elle eût cherché, trouvé et tenté tous les moyens pour promulguer l'exaspération autour d'elle était une chose admise. Elle se faisait appeler Shadow – et ma foi, personne ne lui avait jamais connu d'autre nom. Cependant, elle finit par se lasser de sa propre exubérance. Elle désirait repartir de zéro et passer à des activités plus sérieuses. Elle alla voir ailleurs, dans un autre univers, bien plus intéressant à ses yeux de par sa nouveauté et y rencontra Altaïr, qui n'était rien de moins que le souverain de l'empire d'Aldaria. Nombre de fois ils s'affrontèrent, firent la paix, trahirent leur trève et s'affrontèrent à nouveau. Longtemps ils furent ennemis ; ils finirent amants.

Si ce monde étranger m'intéressait tant à l'époque, c'est peut-être pour la tension qui y règnait, les intrigues qui s'y cachaient. Chez moi l'on ne trouvait plus rien de tel depuis qu'avait été signé un « Traité de Paix universelle ». Je vis alors l'occasion rêvée de faire d'une pierre deux coups pour ramener la discorde en Altorie, monter un peu en grade et m'amuser là-bas, dans ce monde parallèle où j'étais mon seul maître.


Le monde d'Aldaria était si admirable, si parfait, que le chaos extérieur n'avait pas besoin de moi : Shalmsherra, qu'on surnommait « la dame de glace », menait son projet de siège à merveille. Depuis plusieurs années maintenant, l'organisation secrète des Souterrains, à la tête de laquelle elle se trouvait, gagnait en puissance et avait décidé de passer à l'acte.

Ils ont ainsi rallié les mennronriens, peuple d'un empire hostile du Sud-Ouest, et s'apprêtèrent à entrer en guerre. Pour ce faire, Shalmsherra, possédant des pouvoirs plus grands encore – et mieux maîtrisés – que ceux de son cadet Altaïr, ouvrit un portail antique permettant le déplacement de masse. Son armée put alors, tout à son aise, entreprendre d'anéantir Dar-him.

Le spectacle s'annonçait grandiose et je me délectais déjà de ce que ferait, à son tour, ma propre armée dès lors que je l'aurais réveillée. Les Aldarians furent cependant avertis de ce qui se tramait.


Evidemment, les choses ne se passèrent pas comme elles avaient été prévues – c'eût été trop facile. Mais plutôt que de palabrer, je vais vous laisser lire ce que d'autres ont su écrire mieux que moi. Ne vous attristez pas – nous nous reverrons bien assez tôt.

21 mai 2007

ACCUEIL ET MODE D'EMPLOI


09 NOVEMBRE 2008 : réouverture du blog, trois premiers chapitres en ligne dans leur version définitive.

26 MAI 2008 : Ajout de la fiche personnage de Seregorn dans la partie "les personnages", ajout de l'interview de Seregorn dans la partie "Goodies">"Les interviews de Warren".

22 MAI 2008 : Ajout de la bannière et de l'interview de Morgan en section Goodies, changement du portrait de Woofang dans la section "les personnages".

19  MAI 2008: refonte du design, ajout des icônes dans les menus (menu, commentaires, etc), nouvelle bannière pour la section "Les personnages."

18 MAI 2008 : Nouveau titre "Les Otages du Chaos", Nouvelle bannière pour la section roman. (autres à venir).





Bonjour!! Bienvenue sur le blog

Les Otages du Chaos!



Qu'est-ce que c'est? Un roman online, et tout ce qui va avec! Une intrigue sombre qui se développe peu à peu, des centaines de pages, un rp de plusieurs années...

Comme vous pouvez le constater, vous avez, à droite, un "menu". Ce Menu vous amènera aux autres parties du blog, comme la galerie ou les feuilles des personnages, n'hésitez pas à aller y faire un tour!

A gauche, vous avez la liste des chapitres disponibles; il suffit de cliquer sur un chapitre pour qu'il apparaisse. Les nouveaux messages se rajoutent à la fin pour cette section, au début pour certaines autres, cela dépend.

Si vous voulez en apprendre plus sur le qui, pourquoi, quand, lisez la suite. Si vous voulez directement commencer le roman, n'attendez plus et cliquez sur l'introduction! [PS: l'introduction est importante et fait déjà partie de l'histoire]




QUI?

Deux filles, Zaral et Shadow, qui se rencontrent sur le net et commencent à rp ensemble. Peu à peu, l'histoire se développe (en même temps que leur amitié tiens d'ailleurs :p) et elles se disent que ce serait con que tout ça sombre dans l'oubli. Alors elles ont décidé de rechercher les archives de conversation (ça, ça a pas été trop dur. Les logs IRC c'était une autre histoire... ) et de s'arranger pour que tout ça... ne reste pas dans l'ombre.

COMMENT?

Bah au début, c'était censé être une bd. Un manga, pour être exact. (je vous mettrai les planches dans la section goodies si je les retrouve :p). Sauf que la Shadow, elle dessinait comme une merde, et elle a vite décroché quand elle a vu que vingt pages de bd ça faisait même pas treize pages d'archives de conversation MSN alors que les archives s'étendaient au-delà de mille pages [11 000 à peu près aujourd'hui mais rassurez-vous, il y a plusieurs tomes :p]

Donc, un roman, ça allait plus vite et ça faisait l'inverse (trois pages d'archives pour une page de roman, à peu près). Et vala que la Shadow elle ouvre son Word et elle commence à tout recopier, avec l'aide de Zaral, of course.

MAKING-OF


C'est Zaral qui fait le scénario, la plus part du temps. C'est elle le Meujeu.
Les persos boulets, c'est Shadow qui les joue. Ceux qui sont toujours là pour faire exactement le contraire de ce que le Meujeu a prévu.
Y a entre 300 et 400 pages de rédigées du tome 1 à l'heure actuelle, mais c'est pas fini.
Y a déjà 3 tomes de terminés, on est en train de rp le quatrième. (quelque chose me dit qu'on passera bientôt au cinquième)


♦INFOS

Les news se trouveront dans la section GOODIES.
Les MAJ se trouveront indiquées en haut de cette page.
Bonne lecture!
Aimez-nous les uns les autres.

C'est rien, il est tard...(ou pas.)
Je dessinerai la couverture du Tome 1 quand j'aurai fini de remplir tout ça :p



Nouveau titre : Machiavelic Fantasy devient ''Les Otages du Chaos".

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